Citations de Habib Tengour (13)
La simplicité est un long travail d’évidences reniées.
Reflet anéanti dans la goutte de rosée, la révérence.
Les poètes de la Djahiliya disposaient de quatre ans pour tisser un poème qui passerait peut-être inaperçu car une seule qacida était suspendue. Inanité des fils d’or. La Maison éclatait du vacarme des marchandises. La Compétition. Aujourd’hui, les mou’allaqât ne se comptent plus, banderoles poussiéreuses aux slogans ternes, mal calligraphiés. Des mots aux senteurs de bureaux froids. Les maîtres en écriture.
Valorisation d’un style éloigné de la naïve clameur des places réduites en parce de stationnement.
Qui leurre-t-on ? Et pourquoi ?
La rue est une angoisse explosée au soleil et chacun d’accuser le voisin d’une incurie qui perturbe tout le monde. Nous en étions à nous maudire de partager les mêmes rayons d’un soleil noir accroché à un ciel de plomb par un ancêtre jaloux, irascible, encombrant.
Chacun, distinctement, à contrecœur, trimballe une passion dévastatrice, un feu enfoui dans les gravats de sa personne mal en point, qu'il n'ose découvrir parce qu'il ne sait comment nommer cette chose qu'il a au-dedans. Il sait seulement qu'il a mal, et beaucoup !
Lénine avait un cahier bleu où il notait précisément
ses vertiges
…
Deux rides larges
creusaient le miroir
Il n'avait pas cessé dde pleuvoir
ces jours derniers
Ces deux faits sans lien
la couleur du cahier les giboulées
l'avaient pénétré à son insu
s'obstinaient à de folles combinaisons
Une évidence il était vieux
Une unité tragique habitait les peuples de l’Empire malgré des particularismes frondeurs, rebelles à l’émiettement de l’âme. Soumission sauvage à la merci d’une divinité jalousement salvatrice.
Les États exaltaient des frontières fictives sans rendre compte de l’errance des cœurs assujettis. Une famille de tisserand fit fortune en confectionnant des drapeaux.
Sacralisation d’un monde fadasse.
Une écriture subjuguée entretenait les limites sans recueillir une adhésion. Une magnifique apparence.
Je ne lisais plus les journaux comme beaucoup de monde ni les livres qui recevaient le sceau de la censure et n’en éprouvais aucun manque, seulement une nostalgie devant des possibilités gaspillées.
Qui étions-nous, poussière en arrêt dans le creuset du temps ? Que d’alchimistes-saltimbanques pour résoudre cette énigme sans mystère !
Un oiseleur fut nommé Grand Conseiller Culturel pour avoir dressé des perroquets à enseigner la langue classique rénovée aux jeunes cadres de la Nation.
Hassan dit : l’Histoire enseigne l’effacement des civilisations là où la gangrène s’empare du corps sourd aux avertissements… Tarde le Messager… Je serai le Présage. Abou Ali dit : il nous appartient d’élever notre vie à l’éclat solaire, parure préparée avec soin à l’indifférence du dieu caché.
Et qu’importe le prix…
Ma science m’éloignait des objectifs proclamés du savoir, vanité désirée des chatoiements froids de miroirs. Je me désintéressais des raisons partisanes, non par crainte de quelque représaille (je n’avais aucune peur de la police), mais un tourment agnostique, lentement, m’avait pénétré. La connaissance était mélancolie et je commençais à entrevoir la vérité des lieux communs qui me faisaient sourire à mon entrée à l’université.
Mon amour de la poésie accentuait cette attitude en ouvrant mon regard à la voyance, la réalité des jours sans tain.
Khayyam dit : le bonheur est loin d’être une idée acceptable chez nous et c’est en vain que je m’interroge.
Ce tatar-là attend au bord d'un chemin vicinal.Cela fait un bout de temps qu'il est là,à se morfondre.Il préfère attendre là qu'au bord de la Grand'Route où les voitures roulent à toute vitesse.Elles vous éclaboussent sans le moindre égard.Il y a même des chauffards- les salaud-qui se retournent pour vous rire au nez...
Autrefois un Tatar ça faisait tellement peur qu'il y avait des carambolages gigantesques.Les hommes les plus costauds lâchaient le volant ou freinaient n'importe comment à la vue d'une jument morelle ou d'une bannière hérissée aux couleurs vives
7
Requêtes
Prairie ô monde Ici révélé au chant
Entreprise de longue haleine sans / Répit
tu as cherché un arbre au / Renom généreux disais-tu
Epouvanté par l’abîme
Ombre immobile d’un / Saule sur son déclin
Torpeur d’un automne / Endeuillé par toutes nos
Requêtes
Les punaises favorisaient nos veilles. Il y en avait par paquet dans les coutures de nos matelas. Les draps en portaient les giclures rouille. Les poudres et les essences insecticides n'agissaient plus sur l'espèce. Nous nous habituâmes à discuter la nuit, à polir nos informations.
6
Quotidien de l’action
Parole dans l’hiver qui grandit / Image laissée à l’averse
Epée comme verbe à la naissance / Roc protecteur ou simple
Reflet sur un arbre / Exhalant une odeur presque humaine
Oubli sans doute
Surprenante sensation / Tout comme le quotidien de l’action
Envahissant nos souhaits / Réitérés à toutes les fêtes
5
Pur airain
Pur abîme au cœur d’airain / Intercède pour que dure cette
Espérance d’habiter un / Rivage de vérité transparente
Rude et pesante vérité / Entraînée jusqu’au ciel
Ordonne la certitude naïve / Surprise à genoux dans la
Torpeur de midi touché à l’ / Epaule comme un rôdeur
Repenti
4
Possession
Possession de quelles dépouilles
Interdites au toucher / Echafaudages ou
Remparts à escalader / Récifs fougueux à l’
Epreuve des tempêtes
Or des cavales ruisselantes Saisons à l’abandon
Temps d’une absence intarissable / Entendre
clamer une foule qui nous / Rendra la douceur du
songe
3
Oblation
Présence du jour /Inextinguible
Eclat qui dessine une / Rose des sables
Rebelle à l’approche Eplorée des rafales de vent
Oblation selon usage / Suscitant un chant
Tranquille où l’âme / Engage toute chose à
Répondre au cri d’un oiseau
2
Présages
Présages arbres gonflés de pluie / Inassouvi
désir de lumière / Espace du recueil
Ruissellement / le jour ses fruits
Répandus dans l’ombre / Ensanglantée de l’été
Océan royaume docile des / Secrets de l’âme
sur la crête / Triomphe qui s’impose à toi
Embellie du vieil édifice céleste / Rendu présent à ta vue
En hommage à Pierre Oster
Feuilletant Paysage du Tout
« Au cœur de la nuit le jour
Nuit de la nuit connaît
Une étoile plus brillante »
Michel Deguy, Ouï dire
Pierre en mémoire
Puisse vent au comble d’une tourmente / ouvrir
brèche dans le cœur / Inquiet de son devenir / Eternité
au bout de la Rue bondée de passants / Réjouis
à flâner un moment avant d’ / Entrer chez soi
Où un obscur / Sentiment module Terre et mer en gloire et s’
Eveille dans le lointain ce Rêve qui t’enveloppe