CBBC Newsround: Hiroshima - A Survivor's story in animation
PRIÈRE
Je sème de petites graines
Une à une
Une à une
Lorsque je disparaîtrai
Même si
Mes fils venaient à partir eux aussi
Elles étendront leurs racines
Elles déploieront leurs branches
Elles se lieront les unes aux autres
Le jour viendra
De la reconnaissance mutuelle
De l'amour mutuel
Le jour viendra
Où les enfants du sud
Et les vieillards du nord
Se souriront mutuellement
Mon voyage où je sème des graines
Approche de la fin.
Alors que le soleil couchant tombe sur les épaules de ma vie,
Je prie
Pour demain
Pour la sagesse et l'amour des êtres humains.
LE CIEL BLEU CIEL
Le jour où le Japon a perdu la guerre
Le ciel était d'un bleu dément
Le jour de la bombe atomique
Le ciel était d'un bleu vibrant
Le jour où j'ai perdu mes chers amis
Le ciel était d'un bleu tremblant
Le bleu du ciel
Est pour moi la couleur de la douleur
La couleur de l'extrême
"Ta couleur préférée ?"
M'avait-on demandé
"Bleu ciel"
Avais-je répondu, c'était le jour de mon entrée à l'école primaire
Ce jour où l'on m'avait rétorqué :
"Ah oui...tu as un uniforme bleu et le teint de ton visage aussi est bleu..."
Puis les jours de jeune femme consumés
Par la flamme bleue des amours impossibles
C'est ainsi que le bleu devint ma couleur
Qu'il devint ma tristesse
Plus tard
Lorsque viendra mon dernier jour aussi
Sans doute le ciel sera-t-il bleu
L'AUBE SUR LA VILLE DE LA MORT
La fumée bleue et la brume s'élèvent
Ici, c'est le fond des abysses
Couchés sur ces fonds abyssaux
De nombreux être humains
Partis pour un au-delà couvert d'une brume violacée
De nombreux êtres humains
Font légèrement vibrer la brume
Peut-être hésitent-ils à partir
Bleue
Profonde
L'aube de la ville de la mort
Ma vie s'est transformée en un mica bleu
Dont, finement, finement,
Les lamelles une à une se détachent de moi
Cette brume matinale givrée
Qui s'écoule vers moi prodigieusement bleue
Seraient-ce les sbires de l'au-delà qui s'approchent ?
COEXISTENCE
Les étoiles du ciel brillaient au fond du bac
D'eau de pluie
Dans laquelle nous faisions cuire le peu de nourriture que nous avions
La lumière des étoiles
Jaillissait puissamment du bain à ciel ouvert
Dans lequel je me baignais
Tendant de toutes mes forces les mains vers le ciel
J'ai entendu la voix des étoiles
" Je suis donc encore en vie !"
Les étoiles m'ont répondu en scintillant
"Oui, tu es en vie !"
Sous le ciel, dans le fond du bac
Vivait un ver
Le ver et moi étions tous deux en vie
Ces conserves de mandarines, j'étais allée les payer à mon supérieur dont le bureau se trouvait à côté d'une fenêtre.
Soudain, la baie vitrée sur ma gauche a émis une lumière extraordinairement puissante.
Un bref instant, j'ai tourné le visage et regardé cette lumière. L'éclair, un rayonnement lumineux gigantesque concentrant le spectre des sept couleurs, était d'une puissance aveuglante.
Dans l'instant, je me suis dit :
« Le soleil est tombé ! »
« L'univers s'est détraqué ! »
Lorsque je repris conscience, j'étais recroquevillée dans un petit coin, dans l'obscurité la plus complète.
Je pensais avoir perdu la vue et je voulais prendre la position habituelle qu'on nous avait enseignée pour nous protéger lors des bombardements aériens [...] mais je n'avais pas la place de me coucher sur le ventre.
Je restais là, recroquevillée, le corps contracté, en appuyant fermement sur mes yeux et mes oreilles.
Autour de moi régnait un silence étrange. Pas le moindre bruit. (pp. 22-23)
Un petit garçon, si tôt le matin, Était-il venu chercher des insectes ? Soudain Un éclair a transpercé le petit garçon Le transformant en colonne de feu En un instant carbonisé, le petit garçon S'est écroulé sur le sol brûlant, jambes écartées, bras en croix Les yeux vides grands ouverts fixant le ciel La bouche vide grande ouverte tendue en un cri muet vers le ciel Appelait-il sa mère ? Ses frères, ses soeurs ou ses amis ? Ou bien poussait-il un cri de douleur ?