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Citation de coco4649


peintures (1939)
TÊTES

Quand je commence à étendre de la
peinture sur la toile, il apparaît d'habi-
tude une tête monstrueuse…


Devant moi, comme si elle n’était pas à moi…
Parfois supportée par d’infimes tiges qui n’ont jamais été un corps; nourrie d’elle-même, de mon immense chagrin plutôt, oui, oui, chagrin de je ne sais précisément quoi, mais auquel collabora une époque, non, trois époques déjà, et si mauvaises toutes, si riches en défaites, en drapeaux déchirés, en mesquineries, en idéaux de pacotille, en art de vivre pour bétail, si exaspérantes, si exaspérées, et si, et si, et si…
C’est pour tous ces « si » que sont sorties ces têtes qui n’en font qu’une, une seule qui brait de rage ou qui, morne et gelée, considère le destin.
Devant moi comme si elles n’étaient pas à moi…
Sorties de l’obsession, de l’abdomen de la mémoire, de mon tréfonds, du tréfonds d’une enfance qui n’a pas eu son compte et que trois siècles de vie maintenant ne rassasieraient pas, tant il en faudrait, tant il en faudrait.
Nées les jours de pluie et sous les plafonds bas et du piétinement des besognes à faire qui ne seront jamais faites, et du pressentiment d’un avenir d’emmerdeurs qui approche et de minus habens têtus.
Venues des organes mal endormis d’un corps chargé de poison, de faim, de torpeur, de reliquats et des artères en tuyau de pipe de mes ancêtres.
Cabossées par l’amertume et les coups de l’humiliation, ou misérable fanal de ma volonté d’opposition.
Devant moi, non à moi peut-être…
Arrivant de loin, S.O.S. lancés dans l’espace par des milliers de malheureux en détresse, hurlant, geignant, criant désespérément vers nous tous tellement sourds; formant sans profit la grande famille des souffrants.
Devant moi, sans le savoir…
Portées sans trêve par les vagues infimes du vivant rayonnement des êtres qui se débattent. Leurs peines, leurs grimaces, leurs angoisses aussitôt, partout télévisées…
Devant moi…
Abordant tumultueusement dans ma chambre solitaire.
Devant moi, en grand silence, qui peine ou m’épouvante et lutte sourdement pour mon autonomie.

p.247-248
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