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Citation de Yantchik


Certains s’étonnent qu’ayant vécu en un pays d’Europe plus de trente ans, il ne me soit jamais arrivé d’en parler. J’arrive aux Indes, j’ouvre les yeux et j’écris un livre.
Ceux qui s’étonnent m’étonnent.
Comment n’écrirait-on pas sur un pays qui s’est présenté à vous avec l’abondance des choses nouvelles et dans la joie de revivre?
Et comment écrirait-on sur un pays où l’on a vécu trente ans, liés à l’ennui, à la contradiction, aux soucis étroits, aux défaites, au train-train quotidien, et sur lequel on ne sait plus rien.
Mais ai-je été exact dans mes descriptions?
Je répondrai par une comparaison.
Quand le cheval, pour la première fois, voit le singe, il l’observe. Il voit que le singe arrache les fleurs des arbustes, les arrache méchamment (non pas brusquement), il le voit. Il voit aussi qu’il montre souvent les dents à ses compagnons, qu’il leur arrache les bananes qu’ils tiennent, alors que lui-même en possède d’aussi bonnes qu’il laisse tomber, et il voit que le singe mord les faibles. Il le voit gambader, jouer. Alors le cheval se fait une idée du singe. Il s’en fait une idée circonstanciée et il voit que lui, cheval, est un tout autre être.
Le singe, encore plus vite, remarque toutes les caractéristiques du cheval qui le rendent non seulement incapable de se suspendre aux branches des arbres, de tenir une banane dans ses pattes, mais en général de faire aucune de ces actions attrayantes que les singes savent faire.
Tel est le premier stade de la connaissance.
Mais dans la suite, ils se rencontrent avec un certain plaisir.
Aux Indes, dans les écuries, il y a presque toujours un singe. Il ne rend aucun service apparent au cheval, ni le cheval au singe. Cependant les chevaux qui ont un tel compagnon travaillent mieux, sont plus dispos que les autres. On suppose que par ses grimaces, ses gambades, son rythme différent, le singe délasse le cheval. Quant au singe, il aurait du plaisir à passer tranquillement la nuit (Un singe qui dort, parmi les siens, est toujours sur le qui-vive.)
Un cheval donc peut se sentir vivre beaucoup plus avec un singe qu’avec une dizaine de chevaux.
Si l’on pouvait savoir ce que le cheval pense du singe, à présent, il est assez probable qu’il répondrait : « Oh!... ma foi, je ne sais plus. »
La connaissance ne progresse pas avec le temps. On passe sur les différences. On s’en arrange. On s’entend. Mais on ne se situe plus.
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