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Citation de Nastasia-B


- Qui donc a pu vous amener à désirer ma mort ? à me fuir ? demanda la comtesse d’une voix faible en contemplant son mari avec autant d’indignation que de douleur. N’étais-je pas jeune ? Vous m’avez trouvée belle ! Qu’avez-vous à me reprocher ? Vous ai-je trompé ? n’ai-je pas été une épouse vertueuse et sage ? Mon cœur n’a conservé que votre image, mes oreilles n’ont entendu que votre voix. À quel devoir ai-je manqué, que vous ai-je refusé ?
- Le bonheur, répondit le comte d’une voix ferme. Vous le savez, madame, il est deux manières de servir Dieu. Certains chrétiens s’imaginent qu’en entrant à des heures fixes dans une église pour y dire des Pater Noster, en y entendant régulièrement la messe et s’abstenant de tout péché, ils gagneront le ciel ; ceux-là, madame, vont en enfer, ils n’ont point aimé Dieu pour lui-même, ils ne l’ont point adoré comme il veut l’être, ils ne lui ont fait aucun sacrifice. Quoique doux en apparence, ils sont durs à leur prochain ; ils voient la règle, la lettre, et non l’esprit. Voilà comme vous en avez agi avec votre époux terrestre. Vous avez sacrifié mon bonheur à votre salut, vous étiez en prières quand j’arrivais à vous le cœur joyeux, vous pleuriez quand vous deviez égayer mes travaux, vous n’avez su satisfaire à aucune exigence de mes plaisirs.
- Et s’ils étaient criminels, s’écria la comtesse avec feu, fallait-il donc perdre mon âme pour vous plaire ?
- C’eût été un sacrifice qu’une autre plus aimante a eu le courage de me faire, dit froidement Granville.
- Ô mon Dieu, s’écria-t-elle en pleurant, tu l’entends ! Était-il digne des prières et des austérités au milieu desquelles je me suis consumée pour racheter ses fautes et les miennes ? À quoi sert la vertu ?
- À gagner le ciel, ma chère. On ne peut être à la fois l’épouse d’un homme et celle de Jésus-Christ, il y aurait bigamie : il faut savoir opter entre un mari et un couvent. Vous avez dépouillé votre âme au profit de l’avenir, de tout l’amour, de tout le dévouement que Dieu vous ordonnait d’avoir pour moi, et vous n’avez gardé au monde que des sentiments de haine…
- Ne vous ai-je donc point aimé, demanda-t-elle.
- Non, madame.
- Qu’est-ce donc que l’amour, demanda involontairement la comtesse.
- L’amour, ma chère, répondit Granville avec une sorte de surprise ironique, vous n’êtes pas en état de le comprendre.
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