Hyacinthe Huntly

Je suis l’avare de Molière qui, avec ses doigts crochus, ramasse ses deniers échappés de sa bourse. Je prends tout ce qui vient à moi, j’absorbe plus que les gros rouleaux essuie-tout.

À l’école, on ne choisit jamais sa place. Classée par ordre alphabétique, je suis toujours au fond de la classe. C’est agaçant, quand toutes les mains se lèvent en même temps, on ne voit plus la mienne. Je dois agiter ma règle pour signifier que j’existe.

Quand on est pauvre, on ne rechigne pas, on est toujours reconnaissant de ce qu’on nous donne .

On se sent riche quand on a les poches pleines d’œufs en chocolat !

J’obéis toujours pour être parfaite et ne pas l’ennuyer. Je suis touchée par sa gentillesse. La vraie raison de notre voyage en est sa culpabilité. Il m’emmène avec lui car il culpabilise. Me savoir livrée à un adolescent brutal de quatorze ans doit l’empêcher de bien dormir. Il se sent tout simplement impuissant. Alors, pour lui faire plaisir, je lui épargne ma tristesse : celle de quitter maman, bien sûr.

Le mensonge par omission est-il un péché ? Non, puisque après une intervention réalisée par mes soins, « mensonge » ne signifie plus rien de mauvais, il n’évoque plus que le rêve et la fantaisie, le monde dans lequel je vis depuis mon adoption. Le mensonge gris cendré qui se confesse se mue en songe.

Pourtant, papa ne se met jamais en colère contre elle. C’est bizarre… Il est reconnaissant envers les femmes exotiques auxquelles il donne son argent mais pas envers son épouse.

Nous étions, nous les nantis, des « fainéants » se faisant damer le pion par les pays asiatiques qu’il haussait sur un piédestal. « Ils ont tout compris, les Chinois. Ça fait des années que je répète qu’ils nous dépasseront un jour et c’est fait ! »

J’étais horrifiée du niveau de français des adolescents tant à l’écrit qu’à l’oral. Quand je m’exprimais, on me huait en me disant que je parlais chinois avec mes « mots à rallonge ». Certains élèves gloussaient en découvrant l’existence de l’imparfait du subjonctif.

On ne doit pas juger les gens de l’extérieur. C’est parfois stupéfiant de sonder la sensibilité d’un père derrière une façade d’indifférence.

Dans ma tête, les mots : « peur », « avenir », « tuer » s’entre-déchiraient. Ils dégageaient des relents mortifères. La pointe acérée de la dernière lettre du mot « mort » s’enfonçait dans chaque pore de ma peau. J’étais attaquée par un essaim d’abeilles. Était-ce une hallucination ? Encore léthargique, j’avais dû mal lire la phrase.

Surmonter le moindre stress devenait un parcours du combattant alors, je tentais d’anticiper les dangers, d’éluder les obstacles. J’étais un hérisson dardant mes piquants au moindre mot épineux.

Frayer avec des tôles lustrées n’a jamais effrayé personne