Il se rappelle qu’un jour, pendant les opérations du Mékong en 67, lors de son premier séjour, sa compagnie devait confirmer des pertes ennemies. Il y avait eu un bref échange de tirs, un des sergents avait fouillé l’herbe et avait brandi une tête séparée d’un corps par les balles. « Difficile de mieux le confirmer qu’avec ça », avait-il dit, et Fremantle et tous les autres s’étaient marrés. Ce qu’il n’avait pas compris à l’époque, c’est qu’une fois que vous avez ri d’une tête tranchée vous ne pouvez pas retourner travailler à l’usine ou dans un bureau et ronronner avec tous les autres. À ce stade, vous êtes une marchandise avariée. Et les types qui embauchaient ceux qui revenaient au pays le savaient.
Page 121, Éditions Liana Levi, 2018.