Elle lui avait crié qu’il était stupide et sûrement moche en plus. Elle avait frappé la trappe de toutes ses forces jusqu’à ce qu’elle l’entende s’enfuir en courant. Cela faisait un bon moment qu’il n’était pas revenu.
Elle n’avait plus sa tête, elle n’avait pas assez dormi et la terreur faisait des ravages au fond d’elle-même. Lilly lui manquait tellement. L’odeur de ses cheveux, une odeur de draps séchés au soleil, son rire, qu’on pouvait entendre partout dans la maison. La peur de ce qui pouvait être en train de lui arriver la rendait folle. Tout ce qui comptait était de la retrouver. Il fallait qu’ils la retrouvent ! Aujourd’hui ! Le groupe se sépara et les gens partirent dans des directions différentes en criant le nom de Lilly.
Il ressemblait un peu à ces peluches avec lesquelles ses enfants jouaient quand ils étaient jeunes. Celles dont on pouvait remonter le mécanisme et qui avançaient maladroitement sur le sol. Mais il y avait un cœur qui battait dans celui-ci, elle pouvait le sentir. Son pelage était encore un peu humide. Est-ce qu’il fallait l’emmener chez un vétérinaire ? Elle réfléchit, mais il lui semblait que le chien ne souffrait plus à présent. Peut-être que c’étaient les épines coincées dans son pelage qui lui avaient fait mal.
Elle n’avait jamais vu Bello dans cet état. On aurait dit qu’il était en colère ou apeuré. Il sentait quelque chose. Elle savait que les chiens avaient un bon odorat, et qu’ils étaient capables de trouver quelque chose juste en reniflant. Ça ne sentait pas très bon à l’intérieur de la voiture. À l’école, ses professeurs lui avaient appris que les animaux avaient un sixième sens. Est-ce que c’était pour ça que Bello se comportait de cette façon ?
Lilly ne comprenait pas pourquoi ses parents la laissaient regarder des films aussi effrayants, Janus et elle n’en auraient jamais eu la permission. Et s’il y avait beaucoup plus de rats que celui qu’elle avait vu ? On aurait dit qu’il y en avait plus ce soir. Ils pouvaient l’attaquer et la manger pendant son sommeil. Lilly prit une inspiration si profonde que sa poitrine lui fit mal et qu’elle sentit sa tête lui tourner.
Elle se demanda si c’était le même homme qui les avait abordées, Marie et elle, lorsqu’elles roulaient à vélo près de l’école plus tôt dans l’après-midi, et qui leur avait proposé de les raccompagner chez elles. Marie avait dit ensuite à Lilly que c’était certainement un kidnappeur et qu’il lui avait fait peur. Mais l’homme qui lui avait parlé le soir avait sa fille malade avec lui, ça ne pouvait pas être le même homme.
Enfant, elle ne savait pas quel métier elle voudrait faire plus tard, et elle avait toujours eu du mal à saisir en quoi le fait d’avoir de bonnes notes pourrait lui offrir plus d’opportunités une fois adulte. Son père avait souvent tenté de lui expliquer cela les matins où elle n’avait pas envie d’aller en cours. L’odeur dans ce couloir était quasiment la même que celle de son école à Odense.
La campagne était magnifique, mais elle pouvait abriter bien des zones d’ombre. La dernière fois que quelqu’un avait signalé la camionnette, c’était justement dans les environs, près de l’école de Voel, où allaient Lilly et Janus. Le conducteur était peut-être du coin. Est-ce que Lilly était partie avec lui ? Elle espérait vraiment que non.
Et s’il y avait bien un truc qui la mettait dans une rage folle, et dont elle se persuadait parfois que c’était la raison pour laquelle elle était rentrée dans la police, c’étaient les pédophiles. Les hommes qui agressaient des enfants pour satisfaire leurs pulsions sexuelles déviantes. Non pas qu’elle ait été abusée elle-même.
Monika était soulagée que ce soit une femme. Une femme, qui était peut-être aussi mère, serait en mesure de comprendre ce qu’il lui arrivait. Elle avait été négligente avec sa fille, mais n’importe quelle mère était capable de comprendre ce que cela voulait dire de baisser la garde. De détourner les yeux une petite seconde.