Isabelle Peltier-Mignot

[ Japon, 1908 ]
- Où est-il ce pays ? C'est loin ?
- Oui, c'est très loin, de l'autre côté de la terre en Amérique du sud. Il s'appelle le Brésil. C'est le nouveau monde où tout se construit. C'est ce que disent les journaux. On m'a rapporté et j'ai aussi lu cette phrase : 'Cueillez le café avec vos mains et vous récolterez de l'or.' (...) Notre gouvernement a déjà signé des accords avec le pays pour que le Japon envoie des familles là-bas.
(...)
- Qu'est-ce que le café ?
- Je crois que c'est une graine qui pousse dans un arbuste et qu'on écrase pour faire une boisson. Il paraît que le nouveau monde en produit beaucoup et l'exporte vers l'occident qui en raffole.
(p. 24-25)

- Yukimi cela ne va pas ? Que se passe-t-il ? Tu n'as pas l'air d'aller bien.
- Non ! Regarde ! Tous ces gens nous dévisagent comme si nous étions des bêtes sauvages et curieuses. Je n'aime pas leur façon de nous regarder avec leur air hautain.
- C'est normal ! Ils n'ont jamais vu d'Asiatiques. Ils s'étonnent de notre physique comme nous sommes nous-mêmes surpris du leur. Ne t'inquiète pas tout ira bien. Et nous sommes attendus où nous allons. Ce sera différent.
(p. 57)

[ exil ]
Sur le pont les voyageurs s'étaient tus et restaient accrochés aux balustrades afin de prolonger les "au revoir", le regard fixé sur le port, puis le long de la côte sur fond montagneux. Chacun tentait d'imprégner sa mémoire des dernières images de son pays pour les emporter en souvenir.
(p. 48-49)