Lapetitegens vit, elle ne fait que vivre, jamais rien d'autre et cela lui donne une drôle d'allure, lapetitegens vit hors la pesanteur, hors la loi, elle marche pieds nus sur la lune, elle s'en fiche pas mal, elle ne tombe jamais d'elle-même.
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Toi derrière la porte en tenue blanche
Les pieds nus
Le ventre affamé
Le froid posé à la source de tes yeux
Tu m’attendais
Tu m’attends dans le sable
Les mains jointes sur la poitrine
Les cheveux défaits
Si beaux
Tellement noirs
Comment retirer ta blessure
La crevasse qui fend la terre de tes ancêtres
Aucune invention ne peut ranimer l’âme
Même si mes lèvres reviennent
Il y a des mains qui sont mortes et d'autres pas. Il faut de l'expérience pour se rendre compte. Quand l'homme tend sa main la première fois, elle est chaude et blanche avec cinq doigts bien distincts. La deuxième fois comme il insiste d'avantage, on a le temps de remonter un peu le long du bras mais ça n'est pas suffisant. La troisième fois, alors qu'on espère le contact de la main prolongé, il présente une autre portion de lui même, la bouche ou le sexe, cela dépend de son tempérament. Quand l'homme me serre dans ses bras la quatrième fois en disant "je t'aime", c'est à ce moment là que la main se décide. Soit elle reste accrochée aux mots de l'homme, soit elle tombe comme une feuille morte.
C'est curieux toutes ces mains par terre en automne.
Je vous parle mieux en écrivant. Mais aussi par le bas du ventre. Chaque fois qu'un mot arrive, je vous l'adresse. Nous avons tous les deux les corps qui s'attendent. Nous avons tous les deux les corps qui nous quittent pour rejoindre celui de nous qui n'est pas là.
Parfois lapetitegens est écrabouillée par le pied d’un passant, personne ne remarque le crime à cause des bruits assourdissants de la ville, tout se met en accordéon, ses guibolles et son élan, et les insectes lui rendent visite en petites colonies, elle aime bien le chatouillis des fourmis qui transportent de lourdes montagnes, elle se recroqueville momentanément puis reprend son souffle, relève la tête, remet ses guibolles à l’endroit, quelque chose de fort est en train de monter en elle, quelque chose de puissant, tout un programme verdoyant, rougeoyant, la révolte des petites gens.
Je vais mieux en faisant craquer quelques mots sur le papier au lieu de savoir répéter des siècles entiers que je t'aime à voix nue même si je suis habillée.
Je trouve cela curieux de passer sa vie à être un homme.
Je fabrique mes histoires…
Je fabrique mes histoires sur un bout de terrain, sans clôture ni entourage. Je pose mes pierres un peu au hasard, j’invente des formes qui ne respectent pas tout à fait les règles de la construction.
Alors bien souvent je me retrouve le dos contre la lune, à frotter le monde avec un morceau de pierre ponce ou une brosse à chiendent.
Ils ont emporté tout ce que j’avais en double…
Ils ont emporté tout ce que j’avais en double et je me suis retrouvée sur le parking avec le strict minimum : une seule chaussure, une seule chaussette, un seul pied, une seule jambe, un seul bras, une seule oreille, un seul regard, une seule larme. Avant de filer, ils ont crié : « T’as encore de la chance qu’on te laisse le cœur ! »
Alors j’ai eu l’idée de fouiller dedans avec la seule main qu’il me restait et j’ai tout retrouvé.
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J’embrasse un homme
Sûre de ne pas manquer le baiser
Je le fais et chaque fois c’est pris
Nous restons dans le pays aimé des oliviers
Nous pouvons grandir sans permission
Agrippés aux torrents de nos mains
Les lèvres mouillées feront des livres