Isabelle Ross

Il y avait quelque chose de très pur dans la façon dont elle prononçait ces mots. Elle avait l'air inaccessible, comme une statue de glace. Elle ne le fascinait que davantage. Julien sentait qu'il aurait vraiment du mal à renoncer à elle en fin de mission. Lui aussi aurait adoré partager ce spectacle avec elle ; il avait rêvé entrer dans un cirque lorsqu'il était enfant, et il s'était entraîné en conséquence, entre parkour et barres parallèles, dans le décor pauvre et urbain du quartier où il avait grandi.

Il avait supposé qu'elle le chasserait de sa vie en apprenant la vérité, il lui avait mis cette idée en tête, mais est-ce que ça en valait vraiment la peine ?
Elle l'aimait toujours. Pauvre cruche, songea-t-elle avec un sourire désabusé. Elle s'en voulait de cette indulgence qui tentait de s'emparer de son esprit. Il lui fallait un avis extérieur : dans sa propre tête, le conflit était trop violent.

C'était elle. Ça ne pouvait être qu'elle. Il reconnaissait ce pas entre mille. Elle ouvrit la porte et le regarda longuement en silence. Elle portait une robe magnifique, c'était l'été incarné. Julien avala sa salive, encombré et maladroit derrière sa peluche géante, et tous les autres cadeaux qu'il avait achetés en cours de route pour se donner du courage.

Quand moi je lui en pose, il esquive, ou il raconte un truc bateau, tu vois ? On dirait qu'il n'a pas de vie. Je suis sûre qu'il a fait de la prison. Je l'ai vu marcher à côté de toi. Les gens qui ont pris l'habitude de marcher au pas, ils se calquent automatiquement sur le rythme de l'autre personne, ils ne s'en rendent même pas compte."

Sa main était froide et mes tétons durcirent presque instantanément. Il jouait avec en les titillant, les pinçant tout en me regardant m’agiter sur mon siège, en proie à une fièvre érotique. De son autre main, il détacha le bouton de mon jean, me lança un regard ardent et glissa sa main sous ma culotte jusqu’à mon clitoris qu’il se mit à caresser lentement du bout des doigts. Je fermais les yeux et me laissais totalement aller, je ne pouvais pas résister. J’espérais simplement que personne ne passerait près du véhicule nous prenant ainsi en flagrant délit d’exhibitionnisme ! Mais ça n’avait que peu d’importance en comparaison de l’intensité du plaisir qu’il me procurait. Il accéléra la cadence des rotations jusqu’à ce que j’atteigne le paroxysme de ma jouissance, mon corps se contracta, emporté par la puissance de mon orgasme puis se relâcha, vidé de ses forces.

C’était peut-être un voyou, un dealer, ou pire un assassin, même si je ne voulais pas y croire, mais il avait un profond respect pour les femmes, il voulait les protéger. Je le regardais intensément, droit dans ses yeux d’un vert profond, pour lui faire comprendre que je le croyais.
-          Merci Tony.
Tony me présenta un autre membre important de son clan : Virgil, le sergent d’armes, qui, à ce que j’ai compris, se chargeait de la sécurité du gang et refilait les sales boulots comme faire disparaître un corps par exemple… Il y avait aussi Miljan, le capitaine de route qui s’occupait de la gestion des convois. Le gang avait une hiérarchie bien particulière, chacun avait son rôle à jouer. La plupart des visages ne m’étaient pas inconnus, je les avais vus en photo en parcourant le dossier fourni par le chef Miller.

Si seulement mon père était là pour me conseiller… Mais dans le fond, je sais très bien ce qu’il m’aurait dit : peu importe le chemin que j’empreinte du moment que j’arrive à mes fins. Qui plus est, mon objectif n’avait pas changé : faire tomber le gang des Free Eagles et ainsi venger mon père. Alors, j’y arriverai coûte que coûte. Je ne me laisserai pas déconcentrer par ce Tony et ces grands yeux verts. De toute façon, je n’avais pas confiance en lui. S’il était capable de trahir son gang, pourquoi ne me trahirait-il pas aussi ? Je me demandais quelle était sa motivation, pourquoi collaborait-il avec la DEA ? En tout cas, ça expliquait sa présence hier devant les bureaux. Peut-être avait-il négocié une quelconque immunité, une protection de témoins ou autre…

C’était agréable de pouvoir se reposer un peu sur quelqu’un sans qu’il ne comprenne vraiment à quel point cette étreinte était salvatrice. J’avais le sentiment de prendre mon père dans mes bras, encore une fois…
Nous arrivâmes dans une zone industrielle, Tony s’arrêta devant ce qui semblait être un hangar désaffecté. C’était donc dans ce genre d’endroit que les membres d’un gang se retrouvaient ? Pas vraiment glamour et tout à coup, ma robe et mes talons me semblèrent de trop. Tony frappa trois coups à la porte du hangar et leva son poignet face au judas. La porte s’ouvrit, dévoilant un lieu auquel je ne m’attendais absolument pas. Ce qui paraissait en extérieur être un endroit totalement insalubre était en fait un club totalement refait à neuf.

J’étais effectivement sur le point de venger mon père, maisj’étais tombée sous le charme de Tony et ce n’était pas sans conséquences dans ma mission. Est-ce que je serai capable de le blesser, de lui faire volontairement du mal pour arriver à mes fins ? Je n’en étais pas sûre et je n’en aurais sans doute pas envie. Si seulement, j’avais fait preuve de plus de self-control, je n’aurais pas eu à me poser toutes ces questions ! Ni lui, ni moi n’aurions souffert de cette situation, nous aurions rempli la mission et chacun aurait repris le cours de sa vie. J’avais raison depuis le début, j’aurais dû rester seule. Désormais, notre collaboration sera purement professionnelle. Enfin, s’il était toujours prêt à aller au bout de la mission…

Anoushja avait beau se raisonner, elle était décidée à rester célibataire et donc, des danses lascives au contact d'un bel homme au regard incandescent, c'était sa seule approche de la romance désormais. Elle s'en donnait donc à coeur joie ; et plus elle faisait la connaissance de Julien, plus elle découvrait ses autres qualités. C'était un malin, il avait exactement le même humour qu'elle, et il avait gagné sa confiance avec une facilité déconcertante. Cette amitié équivoque était très satisfaisante, comme une nouvelle série à laquelle elle serait accro, un personnage inaccessible qu'elle contemplait jusqu'à la passion. Les épisodes étaient les cours de danse, et c'était elle qui écrivait le scénario.