Devant le miroir de la salle de bains, je mime phonétiquement les six lettres comme l'avait fait maman. Lèvres décollées d'un coup sec j'expulse le P. Le U sort de ma bouche en cul-de-poule. Le T m'oblige à froncer le nez, langue en appui contre l'arrière des incisives. Le A est largement ouvert, le I me fait sourire, le N projette mes dents en avant. D'un mouvement rapide je récapitule, consonnes et voyelles alignées à la suite sans dire le mot à voix haute. P.U.T.A.I.N. Ma mère est une putain? J'avais sept ou huit ans. Suffisamment âgée pour deviner que "putain" n'est pas à prononcer devant les enfants. Nous étions à table. Dans la conversation, les amis de mes parents parlaient d'adoption. Ils demandaient à maman si elle avait des informations sur ma mère. Au lieu de répondre, papa a gesticulé pour les faire taire. Maman a fait cette pantomime avec sa bouche.