Pour Alan, le raisonnement mathématique s'appuie alors sur deux facultés de l'esprit qui se complètent l'une l'autre, l'intuition et l'inventivité. L'intuition émet des jugements spontanés, des jugements qui ne résultent aucunement d'un enchaînement délibéré de réflexions. Après coup seulement, la raison consciente se penche sur ces jugements spontanés pour vérifier leur justesse. Cette méthode de travail s'apparente, même si le texte ne le précise pas en toutes lettres, à celle des artistes et des écrivains. On effleure ici une idée très ancienne, reprise d'un siècle à l'autre, voulant que l'imagination poétique et la rêverie mathématique se déploient dans les mêmes aires de la pensée.
Ses nouvelles recherches le réchauffent, il est content surtout de renouer avec la beauté et la logique formelles à l'oeuvre dans les manifestations les plus humbles du vivant. Comme toujours, les mathématiques l'apaisent quand elles lui permettent de s'approcher du mécanisme secret des choses.
Rien n'oblige un mathématicien à n'être qu'un cerveau purement rationnel. Il arrive fréquemment qu'un souci esthétique plus ou moins conscient agisse sur sa manière d'envisager un problème.
Rien ne lui plaît davantage que de prêter attention au réel tel qu'il se présente, avant que les mots et la pensée se mettent à l'altérer.