Norah, le front collé à la vitre du hublot, ouvrait ses grands yeux émerveillés. Elle ne réussissait pas à être blasée du spectacle de Venise, vue d'avion.
Avec ravissement, elle reconnut les coupoles de Saint Marc, le Palais des Doges, le dôme de Santa Maria Della Salute. Les quartiers aux ruelles étroites, sillonnés par les multiples canaux et hérissés d'innombrables clochers.
Pour leur première nuit en Italie, Alban avait retenu une suite au Danieli Royal. Ils ne devaient prendre la mer que le lendemain, à bord du Santarino.
Giuglio prit le menton de Carlo entre le pouce et l'index, et déclara avec une déférence comique :
- Vous êtes ravissante, madame, mais vous avez besoin d'un solide coup de rasoir si vous voulez pas ressembler à une femme à barbe !
Carlo se dégagea avec brusquerie.
- Hé ! Déconne pas !
- Pas très animé, le patelin ! s'écria-t-il.
Puis, très équivoque, il susurra : on aura la paix ! Personne pour nous emmerder !
Dans son intonation, il y avait comme une menace, à peine voilée. Alban avait une envie démesurée de fuir cet endroit maudit, de fuir surtout la compagnie terrible de Giuglio, et il continuait à le suivre, comme un somnambule.
- On aurait dû apporter à boire ! dit Giuglio. Puis, d'un ton lourd de sous-entendus, il termina : c'est l'usage !
L'action se déroule à Lyon, entre 1941 et 1943, pendant l'occupation allemande.
Ce détail n'a d'ailleurs qu'une importance relative dans l'histoire proprement dite.
Décor unique.
Au centre de la scène, un couloir étroit qui conduit à une porte vitrée qui donne dans le vestibule de l'appartement. On accède à ce vestibule, invisible au spectateur, par cinq marches d'escalier.
A droite de ce couloir, une salle à manger très poussiéreuse et démodée.
A gauche, à l'avant-scène, une chambre, celle de Gervais, un divan, une table recouverte d'un tapis vert, des chaises, etc.
L'ensemble du décor, avec ce corridor, ses pièces exiguës, ses draperies fanées, ses fenêtres condamnées doit donner une impression irrespirable d'étouffement.
Les éclairages de la pièce doivent être très roses et indirects....des coins obscurs, des ombres mouvantes, etc.
Partout, dans le couloir, la salle à manger, la chambre de Gervais, accrochés aux murs des portraits d'ancêtres immenses, un peu déplacés dans cette maison.....