(...) rien ne devait perturber les études de Gunnar (Père de l'auteur). Rien n'était assez bon pour celui qui s'était engagé à être le premier, le meilleur et le plus grand. Pas question que les soeurs fissent des études. Elles n'étaient que des filles et leur tâche était d'admirer leur frère et de s'occuper des détails pratiques s'il le réclamait.(p. 126)
Si les enfants devaient pâtir d'être séparés de leurs parents pendant la majeure partie de leur enfance, cela signifierait que les enfants de l'élite britannique et de la bourgeoisie française ont irrémédiablement souffert pendant deux siècles. (...)
Ce que j'ai vécu étant enfant c'est que non seulement on me tenait à l'écart et ne voulait pas de moi, mais qu'on me détestait carrément. J'étais une erreur. (p. 84)
Quoi qu'on fit il était important de ne pas laisser de traces. (...)
Tout devait avoir l'air comme il faut. Si on osait quand même faire quelque chose d'incorrect il fallait s'arranger pour que ça ne se vit pas. Il fallait employer des mots corrects quand d'autres personnes pouvaient entendre. Il ne fallait jamais oublier que quelqu'un pouvait écouter. (p. 198)
C'est peut-être cette aversion contre les fonctions corporelles et tout ce qui touchait au corps qui fit qu 'Alva ne dit à personne qu'elle était enceinte et que la famille fut si étonnée de me voir soudain apparaître et exister. (...) Qui compulsera la biographie qui a été faite d'elle remarquera que je suis jamais né. (...) Ma soeur Sissela a le droit de naître sept ans plus tard dans cette biographie (...)
On pourrait dire que je n'avais pas l'impression d'être volé de mon droit d'aînesse mais de mon simple droit d'exister. (p. 83)
Le vent souffle en ce moment et les fils téléphoniques chantent. Le monde entier est blanc et on vient de dégager la route. (...)
Quand je me colle contre le poteau je peux entendre tous les bavardages du monde qui passent dans les fils téléphoniques. Mais il y a tant de bavardages qu'ils se réduisent à un chant dans le vent. (p. 85)
Aucune ville ne devient aussi visible la nuit que celle que l'on a quittée pour ne plus jamais y revenir.
Quoi qu'on fit il était important de ne pas laisser de trace. C'était tout aussi important que de porter un slip propre si on était écrasé par une voiture et qu'à l'hôpital quelqu'un découvrait qu'on avait de la crotte au fond du slip. Tout devait avoir l'air comme il faut. Si on osait quand même faire quelque chose d'incorrect il fallait s'arranger pour que ça ne se vît pas. Il fallait employer des mots corrects quand d'autres personnes pouvaient entendre. Il ne fallait jamais oublier que quelqu'un pouvait écouter.
Je les aimais bien, surtout grand-père. Grand-mère était si différente. Bien qu'elle se trouvât dans une pièce elle était toujours ailleurs. (p. 28)
La collaboration de classe social-démocrate, "La Voie du Milieu" comme on l'appelait dans les années trente, s'est effondrée au cours des dernières décennies du 20e siècle. L '«État providence» a été démantelé. En Suède, comme ailleurs dans les États impérialistes, les politiciens «ouvriers» et «de gauche» en ont assumé la responsabilité. Ce qui n'est pas surprenant puisqu'elles ne sont plus des organisations de masse et financées par la masse, mais sont plutôt financées par - et font donc partie de - la structure de l'Etat bourgeois.
- Bien sûr, les gens se battent. La division de classe dans la société devient de plus en plus douloureuse. Objectivement, la lutte des classes s'intensifie. Vous pouvez lire tous les jours sur ces batailles depuis les États-Unis et la Suède ainsi que depuis la France et l'Allemagne. Mais c'est surtout une lutte aveugle ou spontanée sans organisation, prise de conscience ou leadership. Ce n’est pas étrange. Aux États-Unis, les organisations de la classe ouvrière ont été écrasées après la Seconde Guerre mondiale et l'ère McCarthy . Dans tous nos pays, les syndicats et les partis officiels de «gauche» ont été édulcorés. La situation est très grave.
Voyager n'est pas simplement voir de nouvelles choses: c'est aussi quitter. Non seulement ouvrir des portes, mais refermer derrière soi; ne plus jamais revenir. Pourtant, le lieu que l'on a quitté pour ne plus jamais y revenir est toujours présent lorsqu'on ferme les yeux.