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Citations de Jean-Baptiste Roussouly (52)


Mais quoi ? On est raciste ou on ne l'est pas ! Ou alors, on est raciste et on le devient un peu moins ou, plus du tout, qui sait… Finalement, le racisme, sans être pensé comme une idéologie, n'est que le reflet facile et absurde de l'inconnu, du méconnu.
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Jean-Baptiste Roussouly
C’était aujourd’hui vendredi. Depuis six heures et des poussières, le soleil matinal, encore chaste et complaisant, inondait de lumière notre chambre fruste et sans âme ; lui qui habituellement orne tout, enjolive tout, ne la rendait pourtant pas plus douce à nos yeux ensommeillés. Pire, il mettait au grand jour sa laideur. Le sol granuleux en carreaux de ciment gris, les murs moutarde tachetés, ridés, effrités et cloqués comme les mains d’une vieille et la salle d’eau si affaiblie et endommagée qu’on aurait cru une pièce oubliée. De toute évidence, nous n’étions pas les premiers à séjourner ici et nous ne serions pas les derniers non plus. Les persiennes bleues lavande de la fenêtre se projetaient en une marinière d’ombre au dessus de mon lit. Je comptai chaque sillon sur le mur - cette sorte d’exercice mental, répétitif et absurde occupant quelconque léthargie ou assouvissant une curiosité elle aussi tout à fait inutile - durant que Paul, Jérémy puis François se lavaient car j’avais décidé ce matin de me rendre levé et propre le dernier. J’avais observé tout ce temps nos corps que le voyage avait grandement amaigris. François déjà maigre était décharné, Jérémy pourtant trapu était efflanqué et Paul qui bien qu’ayant de belles réserves se voyait aussi les joues creusées. L’Afrique quant à moi ne m’avait pas épargné. Allongé, mon ventre se trouvait plat et creux comme une assiette de table et debout lorsque je m’habillais mes bermudas se retenaient à peine de glisser en dessous du pubis. Seul mon vieux short maillot jaune délavé faisait l’affaire car la cordelette serrait mes hanches comme un lasso autour de la tête d’un veau. François et Jérémy s’étaient vêtus aujourd’hui de la tenue surmesure qu’ils avaient fait confectionner à Diébougou. Sous leur chemise droite, ils étaient d’un élan plus rare que Paul ou moi, parés d’un pauvre tee-shirt rebattu.
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Jean-Baptiste Roussouly
Aujourd’hui, Jean nous avait offert une grasse matinée jusqu’à l’heure bénie de huit heures. Chaque jour, le vieil homme s’approchait de notre chambre et par l’entrebâillement de la pièce, nous encourageait prestement à en sortir. Il fallut pour certains de nous de l’assistance, pour d’autres de la patience, de la technique ou encore de la vigueur mais Jean parvint à chaque fois à nous extraire de notre lit. Cette chambre était un ventre ; le ventre d’une mère par lequel, tel un accoucheur, Jean nous mettait au monde. Chaque matin de Diébougou, notre Jean nous donnait le jour.
Ce vendredi, enfin éveillé, je déplaçai mes pieds à la recherche du moindre morceau de matelas frais ; malheureusement cette perspective resta un vœu pieux. Mon lit était tiède, dur, rêche ou gras par endroit, si bien que je me serais cru reposer sur une tartine. Ma couche n’était pas admirable mais ces petites minutes de répit restaient quelque peu flatteuses. J’avais la flemme de me lever voilà tout.
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Jean-Baptiste Roussouly
Certains individus renoncent au bonheur, moi jamais. J’ai l’instinct du bonheur. Dans ma famille, il y avait un talent héréditaire à la gaieté jusqu’à ce que la félicité y entrât. J’entends par félicité, un enchantement inopiné ou devrais-je oser, une plénitude pour mes parents consécutive à ma naissance. À partir de ce jour, et visiblement pour la première et dernière fois de leur existence, ils atteignirent un haut degré de bonheur et m’attribuèrent les charmes heureux de ce caprice. « Tu es notre plus grande joie » me répétaient-ils émerveillés. Mes parents avaient baptisé leur unique bonheur Jean-Baptiste, tandis que ma vie durant, je donnais aux innombrables miens - sans aucune compétition ni classement - plusieurs noms, plusieurs visages ou plusieurs situations. Je crois que le bonheur survient lorsqu’on vit ce qu’on espérait vivre, comme une heureuse adéquation de circonstances propres. Il est, de mon point de vue, la qualité des tempéraments qui veulent pour eux le plaisir. Le bonheur, c’est tout simplement s'épanouir. Il est donc un état égoïste ; égoïste dans le sens où il est l’accomplissement de sa nature même. Néanmoins, ne nous y trompons pas, le bonheur est un égoïsme certes ! Toutefois il produit du bien ou de la joie aux autres et c’est là tout son paradoxe…
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Jean-Baptiste Roussouly
Nous croisâmes en chemin un garçon, seulement vêtu d’un short marron déguenillé et bien trop jeune pour être collégien à Pierre Kula. Il marchait très lentement vers nous. D’une lenteur que je n’avais jamais vu chez un enfant. Il ne perdait pas son temps, au contraire, il l’offrait tout entier à son éternelle jeunesse. Il semblait errer dans la vie comme on profite d’un instant présent. Ce jeune inconnu, qui bientôt n’allait plus l’être, donnait par son attitude tout son sens au mot musarder. Jérémy interrompit sa flânerie en le saluant amicalement : « Bonjour ». Il s’approcha, toujours lentement, sourit puis nous serra la main d’une façon originale. Le début du geste était familier mais la fin m’était inconnue ; il se terminait par un glissement des mains qui, avant de se séparer, s’offraient l’une à l’autre le pouce et le majeur pour s’imbriquer dans un claquement de doigts. « Trop cool » si bien que Jérémy et moi recommençâmes enchantés ce check.

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Jean-Baptiste Roussouly
Ce matin, je fus réveillé tôt. Plus tôt qu’à l’accoutumée. Il devait être sept heures environ car le soleil m’avait copié. J’observai, d’un œil indolent, les poussières microscopiques qui se mouvaient en l’air dans l’entrebâillement des rideaux. Elles émergeaient des rayons, planaient, déclinaient et disparaissaient à leur tour. Ma chambre était confondue de sérénité. Dans un moindre bruit, je fis glisser légèrement mon pied sous le drap pour lui offrir une surface plus fraîche. D’un effort incommensurable, j’en fis de même avec mon mollet puis reproduisis l’opération avec ma cuisse, avant de tout recommencer depuis le début. Lentement puis lascivement, je me reconnectai au réel. L’âme lasse, dans la torpeur du lit et le corps souhaitant encore dormir, je m’étonnai d’être. D’être vivant évidemment mais surtout d’être arrivé là. « Là », cet instant précis où les mois qui me précédaient à présent, avaient rendu vivant mon rêve ou devrais-je dire, ma promesse ; de longues heures de doutes et de travail afin que notre émancipation portât le nom de « Coup de pinceau pour Diébougou ». Je le savais : nous avions atteint le budget estimé, acheté les pots de peinture et le matériel, obtenu les visas et les billets… bref, nous y avions cru, y avions tenu et l’avions voulu. Je souriais d’aise. En signe de Victoire, j’entrepris une pandiculation immense, interminable et frémissante qui s’acheva par un bâillement d’ours aussi bruyant que libérateur.
Haaaa !
Cette matinée là était le dimanche 7 avril, jour de mon départ pour le Burkina.
J’avais claironné avec succès puisque la maîtresse de maison poussa la porte de ma chambre en même temps qu’un : « Allez debout ! » D’un bond, je sortis de mon lit et saisis mes habits posés sur mon valet de chambre – ma mère m’ayant conseillé une tenue souple et légère pour un trajet plus décontracté. Je fis une toilette efficace et gagnai un temps précieux sur la coiffure car la veille mon oncle m’avait tondu le crâne pour fêter le Grand Chelem du XV de France et faciliter mon hygiène une fois débarqué en Afrique. Je fermai mon long sac de sport noir et quittai l’appartement, accompagné par ma mère. Ce matin, je la trouvai patiente et attentionnée. Je voyais bien qu’elle retenait une émotion - celle que nous avons tous lorsqu’il faut dire « au revoir » à une personne qu’on aime - néanmoins elle la contrôlait par de petits hochements de tête, de larges sourires lorsque je lui parlais et un visage morne à mon regard détourné.
Nous marchâmes, complices, en direction de la gare. Le moment était serein, le temps, calme. Le soleil matutinal déposait un foulard orangé sur chaque plante de balcons, les agaves et autres succulentes. La nuit avait délivré les odeurs de linges propres, de pavés lavés, de cafés fumants, de viennoiseries chaudes et du parfum familier de la dame à mes côtés. Je respirai l’air de mon Sud, sans me douter combien nous nous languirions bientôt.
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Les rues de Diébougou ocres au jour, devinrent oranges puis mauves au crépuscule avant de sombrer dans l’obscurité de la brousse. Des hommes flânaient, des femmes dandinaient, trois enfants, petits, dansaient devant nous. Les rayons et la chaleur s’abattaient comme une salubrité et nous, nous restâmes éveillés jusqu’à l’épuisement total de ce mardi. Dans quelques heures, nous nous savions partis d’ici. Et même si notre village garderait tous ses secrets, il nous sembla, du moins un temps, que nous étions devenus des intimes.
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Je me projetais dans leur tête, sans savoir que leur répondre. Je me sentis si misérable que je me mis, en ces lieux, à avoir honte de moi, de mon corps, de mes origines, de ma couleur, de mon passé, de mes convictions, de tout ce que j’étais ; un mépris de ma toute puissance, de mon éducation, de ma conduite, de tout ce qui me fit ou m’avait fait jusqu’ici. Ma vie banale était devenue mon infraction.
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Néanmoins je me rassurerai en me garantissant que la vertu peut se loger dans le cœur de tout homme.
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La convoitise immodérée est une source de malheur
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D’ailleurs qu’importe les amis tant qu’on jouit de l’amitié. L’important n’est jamais l’ami que l’on a mais l’amitié que l’on vit.
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- Je pense que nous n'avons pas tout ce que vous avez chez toi, soupira-t-il. On n'a pas les mêmes choses mais je crois qu'on est pareils, non ? On respire le même air, on regarde le même ciel et on va mourir pareillement. On est différents parce que tu as des chaussures et moi non ou parce que tu as cette montre-là, mais hormis ça, toi et moi, on est semblables, non ?
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'' Si j'ai faim, ne me donne pas de poisson mais apprends-moi plutôt à pecher''. L' education c'est La vie, mes chers ! Et notre association, elle est là, dans un premier temps, pour leur apporter la canne à pêche, le fil et les hameçons, vous comprenez ?
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Selon un vieux mythe mélanésien, tout homme est tiraillé entre deux besoins : celui de la pirogue et celui de l'arbre. La pirogue est l'objet de notre incontrôlable désir de voyager, de vivre des expériences qui nous arrachent à nous-même tandis que l'arbre symbolise notre besoin incompressible de stabilité, d'un foyer et d'un enracinement fort.
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Qu'on le veuille ou non, le sommeil constitue une grande partie de notre existence. Pourtant, celui-ci ne nous apporte aucun enseignement. Il peut, pour les plus agiles d'entre nous, libérer une idée ou une inspiration mais nullement plus. Jamais un somme ne nous rendra meilleur. Nous n'apprenons rien de nos rêves et ne ramenons rien d'eux. Le sommeil et sa foule de rêves sont définitivement ce que nous avons de plus secret au monde.
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La convoitise immodérée est une source de malheur.
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Jean saisit aussitôt ma main entre les deux siennes et la serra avec ferveur et empressement comme un étau se réjouirait de maintenir une pièce maîtresse.
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Avancer, c’est aller quelque part. S’arrêter, c’est accepter d’être nulle part.
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Je crois qu’on perd beaucoup de choses lorsqu’on écrit : la colère, la rancœur par exemple mais également la grisaille, la timidité, le commérage, la jalousie, l’orgueil, la susceptibilité… on amollit ses passions destructrices à travers l’écriture. Pourquoi ? Parce que les mots séduisent, les mots consolent, les mots encouragent, les mots amusent, les mots convainquent, les mots touchent, les mots rassurent mais surtout les mots sauvent. Ils nous sauvent de tout et surtout de la colère. Ce mouvement de l’âme qui nous déshonore et anéantit le genre humain, disparaît devant l’écriture car lorsqu’on écrit, on ne vit plus.
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Le retard n’est rien d’autre qu’un talent qui permet de faire briller la vérité des ponctuels et la nécessité des absents. C’est l’apanage d’un pouvoir réciproque qui fait exister davantage l’autre et oblige à penser à lui intensément. C’est presque amical un retard…
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