Le capitaine Yves de la Bourdonnaye Montluc dira plus tard à la journaliste Marie-Monique Robin : certains membres de l'équipe que j'avais récupérée étaient devenus complètement fous . Ils avaient pris l'habitude de tuer les prisonniers d'un coup de couteau dans le cœur .
Ces hommes , Massu , Aussaresses , Faulques .... , leurs exécutants , sous-officiers et soldats ont-ils liquidé tellement d'hommes au point d'avoir cessé de " penser " , comme me l'a dit un jour Pierre Misri ?
" Comment comprendre que le plus grand mal que l'homme peut générer ne soit pas le produit de la volonté expresse de faire le mal mais d'un mélange détonnant dintelligence stratégique et de vide moral " , écrit Hannah Arendt ( Eichmann à Jérusalem ) . Paradoxe . Ces militaires ont été d'authentiques résistants durant la Deuxième Guerre Mondiale
Ils ont lutté contre le fascisme et le " vide moral " , ils l'ont constaté chez les hommes de la Gestapo qui les pourchassaient . Mais , pour mener ce combat de la liberté et de la démocratie , ils ont du apprendre dans les commandos en Angleterre " à tuer sans laisser de traces , à être indifférents à leur souffrance et à celle des autres , à oublier et à se faire oublier .
Moi, je traîne une douleur qui ne me quitte jamais. (Général Paul Aussaresses)
La question de l'inhumanité du mal reste ouverte , mais le pire serait de faire de ses hommes des êtres à part . Ils sont tragiquement humains et , s'ils n'ont pas eu la force de résister à la pression de leur hiérarchie -comme Jacques de Bollardière- ( " Non à la torture " Acte-sud Juniors ) , ils partagent largement la responsabilité de leurs actes avec la classe politique de cette IV éme République à la dérive qui les a poussés dans une spirale infernale . la période la plus dure du " maintien de l'ordre " se déroule en effet sous un gouvernement socialiste qui , en quelques mois , a balayé ses idées libérales pour instaurer une répression tous azimuts . Cette fameuse phrase du gouvernement général " à tout prix , à tout prix que Paul Aussaresses affirme avoir entendue à plusieurs reprises , n'est pas une simple exhortation mais une injonction . Massu et ses hommes qui n'étaient ni des mercenaires ni des francs-tireurs , ont suivi les directives et les encouragements oraux de ces politiciens qui venaient régulièrement à Alger les pousser au résultat . Le comportement de ces militaires est malheureusement classique . Comme l'a constaté Stanley Milgram : Des individus qui ne sont pas animés de pulsions sadiques sont , dans certaines circonstances , soumis à une autorité qu'ils jugent légitime , conduits à obéir à des ordres qu'ils n'auraient jamais exécutés d'eux-mêmes , comme infliger des décharges électriques de plus de 500 volts ....( expérience , bien connue , mise en place fictivement par Milgram et le prouvant )
Je voudrais clairement mettre au jour la chaîne des responsabilités des civils –politiques et hauts fonctionnaires – et de la hiérarchie militaire qui ont poussé des soldats à se comporter en Algérie comme la Gestapo l’avait fait en France.
De retour chez lui, Gustave répond volontiers aux journalistes, il reconnait avoir vu les lits de camp avant d’alerter le motard et il ajoute ;
Je n’ai pas voulu cacher la vérité, mais l’horreur de ce que je venais de découvrir m’a fait douter de ma raison.
La seule façon de le savoir, comme le pense Pasqa, c'est de porter plainte.