Le pervers a le souci d'en dire le moins possible dans le but de ne jamais se dévoiler et de laisser l'autre sur sa faim.
Nietzsche a écrit quelque part : "Je vais bien, c'est mon médecin qui est nerveux."
Certains psychologues ont même été jusqu'à prétendre que le mot "phobie" n'était qu'une expression courtoise pour désigner toute espèce de trouille.
L'intention des fous n'est jamais de guérir, mais de transmettre leur propre folie aux autres. Celui qui entreprend de dialoguer avec les fous fera bien de conserver ce fait en mémoire. Il y va de sa santé comme de sa raison.
La folie étant donc essentiellement une affaire de langage, la première chose que doit faire celui qui désire s'instruire de ses arcanes consiste évidemment à apprendre ses dialectes respectifs.
PERVERS
1) De quoi souffrez-vous ?
2) Ouvrez la bouche et faites "A"
3) Détendez-vous
4) Voulez-vous que je vous fasse une ordonnance ?
1) Et vous-même ?
2) B !
3) A !
4) Bah !
On n’a pas besoin d’ordonnance lorsqu’on est déjà en enfer.
Parfois, le dépressif, indifférent à tout, même à ce qui lui est ordinairement le plus pénible, « craque » et fond en larmes, sans raison apparente, devant un objet complètement quelconque.
On remarquera que, même lorsque les choses s’arrangent, l’humeur de l’hystérique s’aggrave. On notera aussi une différence entre la mauvaise humeur paranoïaque et la mauvaise humeur hystérique. La première est plus juridique, méthodique, contestataire ; la seconde plus féroce et instinctive. À noter aussi que l’agressivité hystérique s’oppose à la froideur paranoïaque, de même que l’incivilité hystérique s’oppose à la redoutable politesse du paranoïaque. Remarquons enfin que l’hystérique ne peut se retenir de faire souvent allusion aux attributs qui lui font défaut (« me les casser »).
Le mélancolique se sent dépossédé non seulement de tout objet extérieur, comme on l’a déjà constaté (« Je n’ai rien », déclarait-il au douanier dans la première leçon), mais encore de ses propres organes. Il n’a pas de bouche pour boire ni de langue pour parler, ce qui constitue d’ailleurs le paradoxe le plus étrange du dialecte mélancolique
La folie étant donc essentiellement une affaire de langage, la première chose que doit faire celui qui désire s’instruire de ses arcanes consiste évidemment à apprendre ses dialectes respectifs.
Il est vrai que le langage des fous passe généralement pour rebutant, obscur, difficile et désorientant, ne serait-ce que par sa variété. Comment s’y retrouver, par exemple, lorsque dans un salon chacun vous interpelle de tous côtés, qui en schizophrène, qui en paranoïaque, qui en pervers ? On comprend que malgré toute sa bonne volonté, l’interlocuteur le mieux disposé finisse par se lasser et abandonner la partie.