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Citation de candlemas


- Alors, dit-elle quand elle fut près de lui, que t'as dit cet ambassadeur ?
- Il ne veut rien faire.
- Tu vas y aller toi-même.
Le ton d'Alix était tout à fait neutre. Il n'exprimait ni une question, ni un doute, ni un reproche. Peut-être seulement une intuition. Jean-Baptiste lui jeta un bref coup d'oeil de surprise et de curiosité.
- Tant pis, grommela-t-il, Juremi est un vieux bonhomme maintenant. Il ne voudrait pas lui-même qu'on en fasse trop. J'ai essayé. C'est impossible. Il faut s'y résigner.
Alix le regardait en formant un léger sourire mais il fuyait ses yeux. Elle le prit par la main, et après avoir forcé une légère résistance, elle l'entraina derrière elle. Ils sortirent du jardin des simples et allèrent jusqu'au banc de pierre, dans la rsoerai, où ils purent s'asseoir côte à côte. elle garda les mains de Jean-Baptiste dans les siennes. Il ne quittait pas son air boudeur.
- Ecoute moi un instant, dit-elle doucement. Tu le sais bien Jean-Baptiste : les événements disposent de nous pour presque tout. Les rares fois où il nous revient de décider librement, nous n'avons pas le droit de vouloir autre chose que le bonheur. Eh bien, le bonheur, nous ne l'aurons pas si tu restes. A chaque moment de ta vie, tu te reprocheras de ne pas avoir secouru Juremi et tu nous en voudras de t'avoir retenu. Je déteste l'idée que tu partes, Jean-Baptiste, mais tu vas partir.
Cette roseraie, à la manière persane, ne comportait point d'allée ; un gazon serré, que les domestiques coupaient au ciseau, couvrait le sol jusqu'au pied des fleurs. Sur ce fond cru, le visage clair et les bras nus d'Alix, sa gorge tendue sous la fronce du décolleté flottaient entre le terrestre et le céleste, l'humain et le végétal. Jean-Baptiste la regarda et, saisi d'une violente émotion, la serra contre lui. Il était le premier d'ordinaire à chasser la mélancolie, comme on refuse de porter une couleur qui ne vous va pas. Alix, cette fois, avait montré plus de vigilance que lui ; elle venait, en lui rappelant l'essence même de leur amour, de le ramener à l'optimisme et à la volonté. Bien sûr il était indécent de montrer trop de joie à l'idée de partir. Il n'était pas moins ridicule de cacher qu'il l'avait déjà décidé et elle l'avait fort bien compris. Donc, il partirait, il ramènerait Juremi, et au bonheur de le sauver s'ajouterait celui de retrouver Ispahan.
Déjà il sentait tous les bienfaits de cette décision. D'abord en regardant alix en respirant son parfum, en frôlant sa nuque douce de ses lèvres, il découvrait cette disposition de la mémoire particulière à ceux qui vont partir et qui comble leur esprits des choses les plus insignifiantes et qui seront demain les plus précieuses.
(...) et puis il venait une dernière objection, qu'il formula tendrement : n'allait-elle pas trop souffrir d'être séparée de lui ? Elle dit qu'elle souffrirait plutôt de le retenir.
Quand elle y pensa, par la suite, elle se dit qu'elle n'avait peut-être pas avoué toute la vérité, faute de la voir encore bien clairement. Bien sûr, pour se déterminer, elle avait d'abord pensé à Jean-Baptiste, à la nostalgie qu'il avait de l'abyssinie et des voyages, à son amitié pour Juremi, à sa liberté. Mais plus tard et peu à peu, elle avait senti que ce retour des temps troublés, aventureux, incertains comblait en elle quelque désir secret qu'elle ne s'avouait pas. Françoise auprès de Saba et Jean-Baptiste parti, elle se sentit soudain libérée comme mère et comme épouse. Quelle femme, saisie si jeune par un amour heureux et qui ne s'est point interrompu, ne rêve-t-elle pas de retrouver, si peu que se soit, l'émoi d'une première jeunesse encore inaccomplie, où la liberté ne consiste pas encore seulement à faire le bonheur d'un autre ?
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