Nous quittâmes Hanoï, dans ces conditions, le 24 mars matin, et deux heures plus tard notre confortable Dewoitine se posait à Vientiane, siège officiel du Résident supérieur de France au Laos. Le programme de la journée se déroula ensuite normalement ; il comprenait, suivant l'usage, un rituel « bassi » qui se tint à la Résidence. Au cours de cette cérémonie, à la fois pittoresque et touchante, où se combinent harmonieusement les exigences de la religion et les traditions de l'hospitalité, les personnes à qui l'on désire rendre hommage sont accueillies par des prières et des chants, au milieu des fleurs et des parfums. Ensuite, au cours d'un cérémonial compliqué, de fragiles cordons de coton sont noués à leurs poignets, en guise de porte-bonheur. L'harmonie des choeurs, le sérieux des vieillards, la grâce des femmes et des jeunes filles, tout concourt à faire de cette manifestation typiquement laotienne, une fête charmante. (p. 250)
Tel fut, dans les grandes lignes, l'effort sans précédent qui se développa de 1940 à 1945 en Indochine, sous mon impulsion personnelle. Cela n'empêcha pas les nouvelles équipes d'arriver dans l'automne de 1945 dans ce pays, en clamant partout que l'autorité française n'avait fait jusque là que du mauvais travail, et que les méthodes « colonialistes » devaient enfin cesser.
La sottise des hommes qui propagèrent de telles hérésies, sous l'empire d'un bas esprit de de rancune et d'ambition, n'eut d'égale que leur malfaisance. Ces théories mensongères contribuèrent largement à troubler la conscience des autochtones, et à les faire douter de la France. Elles fournirent en tout cas des armes inespérées à la propagande extrémiste, xénophobe et antifrançaise du mouvement viet-minh. Ces hommes ont en réalité travaillé contre la France, et j'ai le devoir de le signaler ici. (p. 377)
Le 17 juin, le « Lamotte-Picquet », arrivant en dernier lieu de Saigon, mouillait sur rade de la baie d'Along, d'où je comptais gagner Hanoï, pour conférer sur la situation avec le gouverneur général.
Je me rendis effectivement par la voie des airs , le lendemain 18, dans la capitale indochinoise, en prenant passage sur l'hydravion biplace de mon bateau amiral, que pilotait brillamment le lieutenant de vaisseau Gaxotte.
Pendant une heure et demie, nous survolâmes le damier chatoyant des rizières du delta tonkinois. La magie de ce spectacle unique – douce symphonie de bleus et de verts – contrastait de façon singulière avec les angoissantes pensées dont mon esprit se trouvait assailli. Nous fîmes un atterrissage parfait sur le grand lac de Hanoï, proche du parc du gouverneur général, où j'arrivai quelques instants après. (p. 49)