Est-ce pour la possession de La croisée des chemins - "(...) un traité de magie noire, les illuminations d’un moine du quatorzième siècle…" - qu’Édouard Duret, le Mage du Rumorvan, a été assassiné à l’aide d’une serpe couverte d’or ? Pourquoi a-t-on mis le feu à sa maison, et brulé le cadavre, mais aussi ses chiens-loups et sa bibliothèque ?
L’a-t-on assassiné pour ses livres ou pour d’autres raisons. Magie noire ?
"…Pour lui, l’âme volait et il suffisait de l’attraper, de savoir lui parler. … Lui, ce qu’il voulait, c’était la toute-puissance du Diable."
Crime organisé par des notables soucieux de leur réputation ?
… Savez-vous au moins que la mort du mage fait tapage en haut lieu ?
- Et pourquoi ?
- Les messes noires de ce Monsieur étaient, disons, très réputées dans des stratosphères que, ni vous ni moi ne fréquentons.
Trafic de livres rares, anciens et sulfureux ? "Les nouveaux filons sont connus : les œuvres d’art en général, et le livre au détriment des tableaux, plus facile à emporter, et à voler."
Crime passionnel ? Le mage, marié à Clarisse avait une maitresse. Un scandale éclate lors de son enterrement. "(...) ces deux femmes en noir qui se disputaient le droit de deuil avaient un mobile aussi vieux que la bave du dragon : la jalousie."
Serge Lavigne arrive dans le petit village de l’Abert-Ildut pour y mener l’enquête. Toulousain d’origine, mais Breton d’adoption il s’immerge dans le village, loge chez Suzanne Querné, et fréquente bar, restaurants et crêperies.
Il est accompagné dans son enquête par un stagiaire journaliste qui circule à vélo et porte des chaussettes rouges. Il y a un chat, jamais le même qui passe dans le récit ; Yann, si alcoolique que personne ne tient compte de ce qu’il raconte ; des bouquinistes crapuleux, des jumeaux, des liens de famille qui se découvrent peu à peu ; la mer, les fous de Bassan, les bateaux ; des amours défaites. Plusieurs suspects sont interrogés, puis disculpés.
Le but d’une chronique au sujet d’un roman policier n’étant pas de divulguer qui est le coupable, je ne le ferai pas.
Si Le mage du Rumorvan est bien un roman policier, il est aussi plus que cela. Je vais essayer de montrer en quoi sa lecture m’a troublée et parfois dérangée.
Le roman est construit en deux parties. Dans la première, j’ai retrouvé le plaisir que j’avais eu en lisant Gaston Leroux et Maurice Leblanc. Et pour moi, c’est un compliment. Je suis lasse de patauger dans l’hémoglobine et d’assister à des autopsies en direct. Que voulez- vous, j’aime Leblanc, Leroux, Agatha Christie, Simenon et quelques autres encore.
Plus qu’un roman policier disais-je. Outre que Jean-François Joubert parle merveilleusement de sa région et des croyances qu’elle continue d’abriter, il parle terriblement bien de la maladie mentale, de la folie, de la mort.
Et il travaille une forme d’écriture que l’on ne rencontre pas dans le genre, ce qui est parfois déstabilisant.
D’aventure, si vous croisez son regard, ne soyez pas effrayé par son absence d’iris. Son masque, de beauté défunte, est une blessure superficielle, car son cœur bat toujours. … ne fuyez pas l’étrange, il glisse sur vos principes, prend force, et anticipe les pertes de temps. Devenez cette passion passagère, elle vous attire vers ces délires, le partage des peaux et du lendemain. … N’oubliez pas, vous venez de croiser son regard, ce paradis perdu, cette force de la faux. Vous êtes mort.
La croisée des chemins. C’est bien là que se trouve le lecteur de cette œuvre étrange et, il faut le dire, inégale dans sa qualité. La deuxième partie, intitulée Épilogue, est, de mon point de vue, de trop. Mais elle pourrait donner lieu à un autre roman.
La randonnée que propose Jean-François Joubert sort très largement des sentiers battus de la littérature. Dans ce roman, j’ai trouvé beaucoup d’humanité. Je ne sais comment dire autrement. Il faut simplement accepter de rencontrer une forme de folie. Ce que fait l’inspecteur Lavigne, victime d’hallucinations – messages de l’haut-delà – qui le conduiront sur la piste du coupable.
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