Jean L`Herminier

Les hommes de cet équipage n'ont cessé d"être sur la brèche .Ils ont fait bon marché de leur repos ,de leur santé ,et ont souvent dépassé la limite de leurs forces.

Le hublot de face [du scaphandre] n'est mis en place qu'à la dernière minute. Il est vissé sur le casque. Un des scaphandriers passe un peu de vin rouge sur la face intérieure du verre, comme antibuée, m'affirme-t-il.
Dans l'atmosphère confinée de mon casque, l'odeur de gros rouge est ecoeurante. (p.81)

Quand on se déplace autour du monde, cette occasion forcée de recueillement, sur un bateau qui navigue entre ciel et mer, est très utile à la formation de l'esprit et du jugement du voyageur. [...] Comme le peintre ferme à demi les paupières, pour avoir une meilleure vue d'ensemble du paysage qu'il veut fixer sur la toile, sans être diverti par un détail trop précis, le marin, dans sa chambre, revoit en une perspective large le pays et les hommes qu'il vient de quitter. (p.246)

Il faut des nerfs d'acier pour résister à cette vie contre nature que l'on mène sous l'eau incompressible qui transmet impitoyablement tous les chocs.
La confiance réfléchie en eux-mêmes et en leur bateau de ces hommes parfaitement entraînés explique qu'ils continuent leur métier et le préfère à tout autre.
Mais lorsque, du quai, un sous-marinier voit partir ses camarades, il ne peut manquer d'être remué par un sentiment de profonde émotion, en attendant son tour.

La victoire est bientôt complète. Victoire purement française, sans aucune aide extérieure, sans massacre de la population ni démolitions au débarquement, grâce au soulèvement des Patriotes, armés en dix mois par le nouveau "cheval de Troie", le Casabianca, qui a surgi quai de la République, le 13 septembre, à 1 heure du matin, pour le lever de rideau du dernier acte de l'Oppression, premier acte de la libération effective de la France.
La Corse est libérée le 4 octobre 1943 lorsque Bastia tombe entre nos mains.
Les conséquences en seront incalculables pour le débarquement sur le continrent.
Chers Patriotes, soldats, aviateurs et marins peuvent être fiers d'eux-mêmes.

Un marin aime son bateau plus que tout au monde. C'est sa maison. Il matérialise, à ses yeux, la Patrie.
Matelots et officiers partagent, en ce matin tragique [27 novembre 1942], la même souffrance indicible de l'âme et le pays tout entier pleurera comme eux la disparition d'une flotte qui n'avait pas failli à son devoir pendant les mois du début de la guerre et qui, aujourd'hui qu'il est trop tard pour s'enfuir, sauve l'honneur au prix du plus dur des sacrifices.