paysages dépouillés de l'homme
habités de regards
douce la pente
et l'herbe qui frissonne
caresses sur la peau du vent
marais mouillères grises
mouillures à nos âmes prégnantes
matières vives
soleil froid des dunes
oyats toison sur la peau
lisse aussi au-dedans
derrière l'horizon, le vide
d'où surgit le jour
(" Le paysage immobile ")
où sont les rires
où sont les cris
et la maison si bien déclose
où sont les enfants
perchés dans le tilleul
les persiennes couvrant des tendresses
le panier percé de légumes sur la table
les draps dans les bras du verger
et l'essieu de la charrette saluant le soir.
Les mots lui manquent
oisives ses mains ses grosses mains
l’embarrassent elles ignorent rugueuses
la caresse la douceur agile
Caresses sur la peau du vent
paysages dépouillés de l'homme
habités de regards
douces la pente
et l'herbe
caresses sur la peau du vent
marais mouillères grises
mouillures à nos âmes prégnantes
matières vives
soleil froid des dunes
oyats toison sur la peau
lisse aussi au-dedans
derrière l'horizon, le vide
d'où surgit le jour
ceux qui sont restés
loin du front
s'ils savaient
impatients de menus ennuis
ils trouvent la guerre longue
pauvres les spectacles
chère la vie
S'ils savaient ce qu'il en reste
ce qu'il en est
ce qui finit
dans ces trous
dans la boue
dans les gourbis
comme vous en avez plein les yeux
plein la tête
et à quel prix votre vie
Extrait 1/5
vieille menue
cramponnée aux gestes qui lui restent
si digne si fragile aussi
tout devenu lourd
si hautes les marches
si dure la clenche de la porte
son regard erre dans le carré de légumes
du bout de la canne elle écarte
le cadavre d’une limace
percée d’une baguette féroce
Extrait 4/5
il est assis sur le banc
à côté de la porte on ne sait
s’il regarde ou si le paysage
est seulement là obscur devant
ses yeux gris si pâles si doux
si vides
il est posé sur le seuil
et ses pas ne le conduiront plus
ni au champ semé ni au verger
il est offert à la poussière et au vent
il ignore le soleil
il retient son souffle à entendre
mourir en lui des voix qui s’éloignent
Lorsque viennent les nuages bleutés…
Lorsque viennent les nuages bleutés,
je sais que le moment est venu
d’embrasser notre mémoire.
Tu partais sans partir ;
l’autre rive, disais-tu, d’autres pleurs,
l’écart de la traversée
la douleur dans un linge blanc,
dénudée, comme l’était ton rire
traverse un corps puis un autre
et peut-être le mien.
//Anne-Cécile Causse (1985 - )
et nous serions ainsi
indifférents à toute perte
hors la nôtre
prudents penseurs de paroles
partageant parcimonieusement nos ventrées
soucieux du désordre de la misère
jusqu’à farder la face
du pauvre
émus pourtant des clameurs du stade et de l’arène
prompts à la vindicte
et à l’oubli
ah, le froid m’en glace le dos
à Gustavo Montes,
sur les pétroglyphes de San Rafael (Mexique)
pierres brisées
pierres qui crient dans le désert
enfances du trait
rendues au chaos sigillé de l’origine
veillant au seuil du monde
pierres patientes
méprisées, oubliées
lentes à parler
mots signes obstinés
pierres obscures sous le jour
comme des crânes
mémoire muette d’un peuple
pierres dont on ne bâtit rien
parce qu’elles sont pierres opprimées
pierres accroupies, prêtes à bondir
pierres sources, polies parmi les plantes
douces à la pluie et aux cœurs brûlants
pierres de long espoir, de toute fondation
pierres qui chantent aux quatre vents
elles disent la roue, le disque
le soleil, la lune et l’étoile
comptes de troupeaux et d’astres paisibles
la ronde des hommes dans le cycle des temps
et nous lisons aveugles notre faute
notre honte
et la souffrance d’avoir trahi nos frères