Il est seul, assis devant une table à peine plus grande qu'un autel, le gros homme va vers la cinquantaine. S'il se levait, nous le verrions sans doute petit, les jambes courtes et rondes. Le peintre a montré de lui sous la nappe les chevilles libres, les bas blancs, les pieds pris dans des souliers commodes, presque des pantoufles. Le dossier dépasse les épaules. Le gilet, le col ,la cravate sont amples. Le menton à fossettes déborde, les joues ont des modelés rubéniens. Les mains sont puissantes, résolues l'une est fermée sur la poignée d'un couteau dressé comme un sceptre, l'autre tient la fourchette comme une main de justice.
Cette fourchette caresse, flatte, ausculte la mirifique dinde rôtie qui laisse monter l'encens de ses chairs fumantes. Il y a aussi, un pâté en croute et une bouteille de Bourgogne, l'huilier, le moutardier, les épices. Derrière une crédence, avec un étalage de bonnes choses, Les buissons d'écrevisses sont pareils à des châsses. Voilà les légumes, les fromages, les confitures, les eaux-de-vie. Un beau faisan encore vêtu de son plumage est jeté sur le sol, un pied d'ananas offre dans son feuillage son fruit chananéen.
Ce tableau de Boilly est une des plus vieilles enseignes de Paris " le Gourmand" dit-on ! non ! c'est seulement "le Gastronome".
Voici l’occasion d’aller regarder un peu l’envers de la terre. Dans quelques semaines, au retour, nous aurons transformé en tous jeunes souvenirs de très vieux rêves.
Rien de plus joli, de plus élégant, de plus « distingué que la manipulation d’un cigare.