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3.86/5 (sur 14 notes)

Nationalité : France
Biographie :

Jean-Louis de Montesquiou, ancien dirigeant d'UBS France,

Après une carrière dans la finance internationale qui lui a permis de connaître les deux Corées, Jean-Louis de Montesquiou se consacre à l’écriture.

Collaborateur régulier du magazine Books, il est l’auteur d’un récit, "Mont Athos" (2015), et d’un essai, "Écrire, disent-ils" (2017).

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Bibliographie de Jean-Louis de Montesquiou   (3)Voir plus

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Citations et extraits (21) Voir plus Ajouter une citation
Mieux encore les quatre sont autorisés à accepter le présent de quelques livres - des oeuvres incontournables du répertoire international, ou des traductions plus récentes d'ouvrages russes, le tout ne présentant pas le moindre risque idéologique. Mais grâce à ces livres, les romans notamment, James peut découvrir sur le tard les rudiments du fonctionnement de l'âme humaine, sur lequel il n'avait jusqu'alors que des notions sommaires, acquises au contact des camarades d'orphelinat, des soldats de l'US Army, ou de ses trois comparses. Autant dire que des pans entiers de la vie lui demeurent aussi mystérieux que la face cachée de la lune; il en connaît l'existence, rien de plus. Avec Anna Karénine, il prend conscience de la puissance - et des dangers- de la passion amoureuse. Madame Bovary lui révèle les profondeurs insoupçonnées du coeur féminin (si seulement il avait su..). Via Bertold Brecht il comprend quelle vision le monde communiste se forme des odieux capitalistes et des mouvements de leurs âmes abjectes. Dostoïevski lui permet de réaliser qu'il existe chez certains une pulsion religieuse qui va au-delà des singeries du rituel, quel qu'il soit- il se prend même à regarder Parrish et sa bigoterie d'une façon légèrement différente. Le seul domaine qui lui demeure complètement impénétrable est celui de l'art. Ni la lecture d'une biographie de Van Gogh, ni le rabâchage des théories de Kim Il-sung sur le sujet ne peuvent l'éclairer sur ce phénomène. Sans doute, se dit-il pour justifier son imperméabilité, c'est parce qu'il n'a jamais été exposé de sa vie à ce que les autres, les raffinés, appellent la beauté. Et ce n'est pas à Pyongyang, face aux statues monumentales ou aux fresques à la lisière du comique, ni en écoutant les stridulations des airs patriotiques sur fond de haegeum, qu'il va se forger une sensibilité en la matière. La beauté, James n'en trouve le reflet que dans les eaux toujours changeantes de la Taedong et dans le gracieux balancement des roseaux qui la bordent.
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De ce côté-ci, en revanche, les choses se dégradent à vitesse accélérée : de moins en moins de riz, de moins en moins d'essence, de plus en plus de bandes de soldats ou de voyous - comment les distinguer?- qui sillonnent la campagne voire les faubourgs de Pyongyang, et contre lesquelles il faut se barricader la nuit. Le moindre objet qui traîne est dérobé dans l'instant. Les exécutions publiques dans les villes de province ( mais pas à la capitale) semblent désormais quotidiennes - des pendaisons, moins coûteuses. Le régime de Kim Il-sung suit une marche diamétralement opposée à celle du monde. D'ailleurs, il semble bel et bien s'être mis à dos l'emsemble de la communauté internationale, sauf la Chine. Il faut dire que si les accusations contre Kim Il-sung que James entend sur sa petite radio sont avérées, il y a de quoi s'indigner : attentats terroristes, tentatives d'assassinat, enlèvements, et fourniture de travail humain en Sibérie qui s'apparente à de l'esclavage. L'usine de médicaments de la banlieue de Pyongyang produirait en fait de la drogue ( c'est vraiseyymblable, car des médicaments, on n'en voit pas beaucoup à l'hôpital). Il semble que les diplomates nord-coréens doivent, pour assurer leurs frais de séjour, trafiquer tout ce qui est négociable - cigarettes, armes, drogue et même fausse monnaie, notamment les "Super K", des billets de 100 dollars redoutablement bien imités. Le régime est passé maître en diverses escroqueries contre les banques et les compagnies d' assurances.
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Mais l'accablement du fils ingrat est tout sauf simulé. Le défi qui l'attend a bien de quoi faire pâlir les plus déterminés. La République Populaire et Démocratique de Corée (du Nord) est en effet dans un piètre état : les maigres ressources du pays, surexploitées, sont en voie d'épuisement, la famine est telle qu'on évoque des cas de cannibalisme, et le pays est au ban de la société des nations, sauf la Chine.
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Car il découvre ce jour-là que la Corée du Nord est à couteaux tirés avec Krouchtchev, qui a remplacé son Staline bien-aimé à la tête de l'URSS. Que la Corée du Nord est au ban de ce que les spécialistes appellent "les démocraties populaires", bien que celles-ci soient comme l'URSS contraintes d'assurer les fins de mois de Kim Il-sung ( la RDA surtout paraît indignée d'être obligée de compenser, elle qui est la vertu financière même, les dérives insensées du régime). James comprend aussi que les rares revenus de l'exportation vont directement dans la poche de la "nomenklatura" (de quoi s'agit-il au juste ?) , à laquelle un quartier de Pyongyang est réservé - celui précisément où a lieu l'interrogatoire-, une réplique nord-coréenne du Wandlitz de Berlin-Est, mais en beaucoup plus luxueux et surtout beaucoup plus décalé par rapport aux conditions du pays. Les coréanologues du magnétophone confirment aussi que les militaires pompent l'essentiel du budget (çà, James s'en doute bien) et que Kim lorgne du côté de la bombe atomique (Aïe, aïe).
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Vue du haut des collines de Ch'unch'õn, la zone prétendument démilitarisée a pourtant l'air innocent, bucolique même. Cette bande de terrain de quatre kilomètres de large, qui coupe la péninsule coréenne d'est en ouest, a été reconquise par la nature. Ce n'est plus désormais qu'une nappe de broussailles que trouent quelques rares champs cultivés. L'endroit est devenu si sauvage, dit-on, que les ours et les loups ont repris possession des lieux. Par delà la ligne de miradors qu'on aperçoit au loin s'étend une plaine où scintillent des rizières en eau que ferme, au nord, la capitale communiste, Pyongyang, à demi encerclée de basses collines.
Mais sous sa surface paisible, la DMZ n'est qu'un tapis de mines et, encore plus en dessous, grouillent des tunnels défendus par des soldats formés à combattre dans le noir, et parcourus par des commandos d'espions, d'agitateurs ou d'assassins qui s'infiltrent en Corée de Sud, en attendant le jour, inéluctable, où les troupes inépuisables de l'Armée Populaire en jailliront à leur tour.
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Les deux Américains ont reçu l'interdiction formelle d'évoquer, même entre eux, le moindre aspect de leurs activités, ni même l'existence de ce quartier sans nom. James comprend vite pourquoi.
La première visite qu'il y fait le trouble profondément. Car soudzin, à dix minutes du centre-ville et des immeubles dépourvus d'électricité, à vingt minutes des faubourgs aux maisons sans eau ni chauffage, et à trente minutes des campagnes démunies de tout, il se trouve soudain plongé dans un environnement qui rappelle les coins les plus bourgeois et les plus proprets de Richmond. Des maisons individuelles, des jardins, des arbres, de larges avenues goudronnées et même quelques voitures, des limousines aux verres fumés qui glissent dans cet espace comme des navettes spatiales dans une nouvelle dimension. Les gardes aussi sont différents : vêtus d'un uniforme bleuâtre plutôt élégant, ils appartiennent à une unité spécialement dédiée à la protection de la classe ultra supérieure - une sorte de Cinquième Corps masculin.
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Sinuju, ville sinistre, rasée pendant la guerre et reconstruite de frais, est à la fois décatie, misérable, et plongée la nuit dans une obscurité totale. Pas de quoi spécialement troubler un habitant de la RPDC, sauf qu'à travers la rivière Yalu, juste en face de Sinuju, la ville chinoise de Dandong brille de mille et mille feux, visibles et presque à portée de main. Néons, publicités lumineuses, vrombissements de véhicules , furieux klaxons le long du quai, musique traversant par bouffées le fleuve noir et nauséabond, et avec elle des odeurs délicieuses des gaz d'échappement : cette fois-ci, le monde libre n'est pas seulement visible à travers les grillages, on peut le percevoir aussi avec les oreilles et le nez. James reste longtemps à absorber, narines palpitantes et yeux mouillés, la joyeuse agitation nocturne proto-capitaliste de l'autre rive, comme un prisonnier contemplant les lueurs du boulevard derrière ses barreaux.
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Selon lui et à la grande différence de James, question bonheur, comme c'est manqué pour cette vie-ci, il faut tout de suite s'assurer les bonnes grâces de l'Organisation céleste afin d'obtenir une assignation de choix dans le prochain monde. Il part du principe que les principes régissant l'accès au paradis de Jésus sont grosso modo les mêmes que pour celui de Kim Il-sung : adhésion totale et soumission. Et si le ciel est aussi méthodiquement régenté que la nation coréenne, des anges en costume gris-bleu doivent déjà s'employer à recenser toutes ses bonnes actions ou ses mauvaises pensées pour déterminer si son Songbun, son pedigree moral, lui vaudra l'empyrée - c'est à dire l'équivalent céleste de Pyongyang - ou l'enfer - un établissement géré par l'homologue infernal de la Bowibu. Bref Parrish n'a pas changé d'allégeance, juste de dictateur.
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Car depuis qu'il s'est emparé de tous les leviers du pouvoir, Kim Jong-Il a encouragé son vénérable père à savourer ses vieux jours dans l'exercice d'une épuisante sexualité sénile en lui fournissant tout ce qu'il fallait, partenaires comme adjuvants. Pis, il n'a fait preuve d'aucun empressement pour porter assistance à Kim Il-sung lorsque celui-ci a été terrassé par une attaque cardiaque dans sa résidence du mont Myohang, à deux heures de la capitale. Le vieillard n'avait auprès de lui qu'un très jeune médecin, sans équipement, et l'hélicoptère apportant depuis Pyonyang le matériel de réanimation s'est écrasé.
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Mais à Pyongyang, ville modèle où ne peuvent résider que les meilleurs éléments du régime et donc les mieux nourris - 2013 calories par jour, le double de la ration des provinciaux, notamment ceux du Nord -, personne ne prendrait le risque d'ignorer les injonctions de la radio. Manquer cette cérémonie, c'est encourir - au strict minimum- l'expulsion immédiate de la capitale et le bannissement en province. Pour les cambrioleurs potentiels, ce 17 juillet 1994 doit être un jour béni. Mais qui s'y risquerait ? Et qu'y a-t-il à cambrioler ?
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