NUITS
NUIT D'HIVER
Dans le grand silence,
Du ciel hivernal,
La lune balance
Un morne fanal.
Semence, tu veilles
Au creux des sillons,
Promesse d'abeilles
Et de papillons.
p.34
L'ONCLE OCTAVE
— J'ai bourlingué, dit l'oncle Octave,
De Vancouver à Tamatave,
De ChanghaÏ au Cap et jusqu'à
San José de Costa Rica.
Souventes fois je rêve encore
DeTimor et de Travancore,
Mais sachez-le, par-dessus tout
J'aime le Perche et le Poitou.
p.91
UNE OURSONNE AIMAIT UN OURSIN…
Bagatelle
— Dites-moi, la belle,
Qu'aimeriez-vous mieux ?
Être coccinelle
Ou bête à bon Dieu ?
En penchant la tête,
On m'a regardé :
— Et toi, cher poète,
M'a-t-on demandé,
Quel air, pour me plaire,
Me chanteras-tu ?
Est-ce tralalaire
Ou turlututu ?
p.76
LE BIDULE ET LE MACHINCHOSE
Le saule et l'oignon
— Pardonnez-moi,
c'est une erreur,
dit l'oignon
au saule pleureur.
p.132
LE CARRÉ DE L'HYPOTÉNUSE
L'ibis
L'ibis, au bord du Tigre
(Ou de l'Euphrate…),
Pondit, puis se dit : — Bigre !
Si mon œuf rate…
p.112
Le bidule et le machinchose
ou les passants mystérieux
Les mots sont les passants mystérieux de l'âme…
Victor Hugo
Le bidule, un beau jour, disait au machinchose :
— Aussi vrai que je vous en cause,
croyez-moi, cher ami, je connais la chanson :
toujours on essaiera de noyer le poisson ;
quand l'un prétend Strasbourg, l'autre affirme
Angoulème ;
il faut sortir de ce dilemme
et le dire enfin sans façon :
Angoulème ou Strasbourg, c'est du pareil au même ;
messieurs les donneurs de leçons
ne font jamais d'un pouce avancer le problème ;
vit-on jamais la carpe épouser le pinson ?
— Ma foi, répondit son compère,
vous avez tout à fait raison.
Pour reprendre à mon tour votre comparaison,
je crois que les deux font la paire :
vit-on jamais le tigre épouser la vipère ?
Quant à leurs chiffons de papier,
tous les goûts sont dans la nature ;
à chacun selon sa pointure
de trouver chaussure à son pied.
Il es clair que seuls de grands sages
pouvaient tenir de tels propos.
Je me trouvais sur leur passage :
je leur ai tiré mon chapeau.
p.142-143
Au pays de Couci-Couça
Au pays de
Couci-Couça
Un marchand de
poussi-poussa
Disait à sa
douci-douça
Qui rentrait d'un
foussi-foussa :
— Chère enfant, le
goussi-goussa
Ne vaut pas le
boussi-boussa,
Mais prend garde au
toussi-toussa !
Tout ça sent le
roussi-roussa.
p.11
Les défauts comme les qualités d'Herbart séduisent en revanche Gide par leur singularité et leur naturel, comme s'ils n'étaient au service de rien, valaient par eux-mêmes, sans que le temps jamais les corrompe