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Citations de Jean-Marc La Frenière (29)


Jean-Marc La Frenière
Je prends l’espace
à pleines mains
et demande au silence
d’aller porter vers toi
ce petit souffle ému
où parlent ceux qui s’aiment.
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Jean-Marc La Frenière
Je voudrai écrire sur ta peau
un tout petit poème
plein de miel et de lait,
plein de sève d'érable,
le tatouage d'un coeur
transpercé d'une fleur,
des choses souterraines
qui portent la lumière
et ne se disent qu'à deux.
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Lorsque le vent remue, ta robe glisse dans mon lit …
Tes seins de fraise gourmandent mes papilles …

Il ne m'est de toi que l'amour …
Les lignes de ta vie transforment mon profil.
Je te touche toujours pour la première fois.

Ma bouche tendue au fruit a trouvé ta saveur.
Au travers de nos corps, la sève continue …

Tu es la main du jour sur une poignée de nuit …

Tu as fait de ma soif une source nouvelle,
d'une question de rien une réponse à tout.
Tu as fait de ma vie un peu plus que la vie,
le dessin d'une feuille qui remonte dans l'arbre,
le destin d'un caillou qui enjambe la pente.


La même ligne d'horizon (extraits) p17 à 19

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Jean-Marc La Frenière
Ce n'est pas la loi qui m'inquiète, mais ceux qui la respectent, le Christ aimant sa croix, les esclaves qui caressent leurs chaînes et dilapident leur espoir en billets de loterie. Qui donc leur a fait croire qu'on peut sauver le monde par une catastrophe.
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Jean-Marc La Frenière
Je n’ai pas honte des gens que je fréquente
qu’ils soient prophètes ou mécréants,
bandits ou imbéciles, poètes ou vidangeurs,
trafiquants de rêve ou paresseux,
J’ai honte pour l’homme quand il se fait banquier,
flic, homme d’affaires ou bourreau,
avocats de la poursuite,
comptable du silence ou notaire du cœur.
Je n’ai pas honte d’être pauvre.
J’ai peur d’être riche au détriment du monde.
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Chaque matin, je regarde revenir la lumière, l'éblouissement du vivant au cœur des mots
malgré les grondements des armes et le tintement des monnaies.
Je mets mes pieds dans les souliers de la vie et je sors prendre l'air.
On a toujours une raison de vivre, peu importe la raison.

Il y a trop de montres dans une heure, pas assez de secondes …
Trop d'hommes qui calculent, pas assez qui dessinent.
Trop de gens meurent de faim, pas assez vivent d'amour.
Il n'y a pas de chaînon manquant, seulement de mauvais recoupements.
La vie prend en charge la sève
tout autant que la cendre.
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Jean-Marc La Frenière
Il suffit d'un mot
Pour traverser le silence,
D'une vague perdue
Pour entrevoir la mer.

Il suffit d'une épine
Pour connaître la rose,
D'une entaille de lumière
Pour que s'ouvre la nuit.

Il suffit d'une vie
Pour atteindre la mort,
D'un seul geste d'amour
Pour toucher l'infini.
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Jean-Marc La Frenière
Mes lignes sont écrites avec la terre,
Avec la vague, avec la chair et les cheveux,
Avec un long baiser, un feu interminable,
Dans un demi-sommeil surgissant d’un tunnel.
Mes lignes sont écrites
Avec la colombe et le nard,
Dans la glaise et l’argile,
Avec des idées qui s’enroulent en spirales.

Mes lignes sont écrites avec l’encre du temps,
Le sang, le sperme et l’eau,
Dans l’étreinte et l’espoir.
L’amour attend son heure
Au milieu du silence.
L’eau chante par la bouche
Au milieu du désert.
L’aile des mots dissout
La pierre qui écrase.

Mes lignes sont écrites avec le blanc des yeux.
Mes mots se perdent dans les trains,
Dans les rues, dans les bois.
Mes mots apprennent le ventre vide,
La colère et la joie,
Le cœur qui mendie
Dans la clarté lunaire
Et les épis secrets.

Mes lignes sont écrites avec la mer à boire,
Le minerai de l’âme,
La flamme et la fumée,
La rumeur de l’abeille
Quand elle touche la rose,
Le fleuve Saint-Laurent
Qui porte mes racines,
Le chant de l’embouchure,
La queue de l’arc-en-ciel,
Le corail et l’écaille.

Mes lignes sont écrites à la lumière du rêve,
Avec l’inconscient, le soleil
Et les graines affamées.
Je chante l’heure nue,
Le fumier frais des vaches,
La croissance des feuilles,
Le glissement des reptiles,
Les lapsus du vent.
L’amour attend son heure
Comme un lampyre dans la nuit.
Je ne sais pas encore
Ce que parler veut dire.
Je donne la lumière
Sans savoir d’où elle vient.
J’écris pour être ce que j’aime.


Jean-Marc La Frenière -
Poème : Mes Lignes Sont Écrites - (22 juillet 2004)

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Pour le dos du rêveur, le réel manque de vertèbres.
Les uns prient, les uns pleurent, tant d'autres font semblant.
Les uns jouent de l'accordéon, les autres jouent du tiroir-caisse.
Le temps travaille pour nous sauf si l'homme s'en fait une monnaie d'échange.
Je le préfère modulant sa rengaine aux chiffres des horaires.

L'infini aura toujours raison sur les mauvaises nouvelles.

Que m'importe le pont quand les vagues m'appellent.
Toutes les terres lointaines, les chemins inconnus, les astres inaccessibles,
j'y suis passé jadis dans les pas d'un enfant.

A force d'aller nue, mon âme cherche encore un vêtement à sa taille.

Dans mon terrier d'étoiles, j'épie l'envers du monde.
Chaque chose habitée comme un corps dans un corps.
Je mêle mon haleine à celle des racines,
ma sueur à la soif,
ma parole aux galets.

Dans ce siècle de verre, je cherche une lumière qui ne soit pas factice.

Portant mon âme sur les épaules,
je tends les bras vers le soleil.


(p9-10)
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Jean-Marc La Frenière
Je traverse en nomade le grand corps du monde, de la fraîcheur des sources jusqu’au vent du désert, de la froideur de l’eau jusqu’aux habits de flammes, du rhume des objets jusqu’à la toux de l’âme, du sel de la mer jusqu’au fil de salive, des grottes de Lascaux jusqu’aux mots sur la page, de l’amibe encore chaud au cristal de Bohème, des hommes dans les mines aux femmes à ciel ouvert. Je traverse le monde comme un ruisseau perdu où viennent boire les bêtes. Je recueille une à une les larmes oubliées, les ailes des oiseaux pétrifiées dans la pierre. Je marche en titubant de la blessure au baume.
Je voudrais bien savoir de quoi parlent les arbres quand le vent les visite, ce que chante un oiseau pour endormir le nid. Nous apprenons la vie par les gestes qu’on pose. Nous apprenons la langue par les mots que l’on dit. Je construis ma demeure avec du bois d’homme. Je croise sur la page la baleine et l’agneau, la montagne et le pain, la source et le volcan. Ils se comprennent mieux que les hommes s’accordent. L’espérance y butine les insectes en fleurs. Des plantes inconnues escaladent le roc. À l’école du vent, les papillons par paires potassent le pollen. Les arbres du verger ne comptent pas leurs pommes. Ils se dessinent un cœur dans les lignes de l’aubier.
Je regarde le ciel sans oublier la terre. Plus léger qu’un oiseau qui marche sur la neige, je déchiffre du pied l’hexagramme des pas. Je veux tisser ma vie sans en briser le fil. Le plus beau des arbres a les racines tordues. L’abîme le plus creux aspire au soleil. La grosseur des bourgeons me tient lieu de journal. Avec le vent qui passe, les aiguilles de pin font des calligraphies. Il faut croire à son ombre autant que le soleil. Sur la route du yang, la charrette du yin bringuebale parfois. Sa vieille roue de bois ne reste pas en place. Pâle croissant de lune, je traverse en nomade l’histoire du ciel. Je cherche encore la porte pour entrer ou sortir, un horizon sans borne, une horloge sans temps.
J’ai préféré la vigne aux escaliers de marbre, les branches du pommier aux carcasses d’autos, les ronces dans les mûres au bois des balustrades. Sous les sabots du cerf, on n’entend plus la terre. La peur du chasseur fait taire les oiseaux. Même le vent dans les feuilles est une cloche sans battant. La rivière qui chante ne finit plus ses phrases. Que savons-nous au juste de la souffrance des pierres, de la peur des enfants, de la tendresse des épines ? Que savons-nous des arbres enfermés dans les portes et le bois des matraques ? Que savons-nous des morts que l’on bâillonne encore, des étoiles aveugles et des bêtes qui boitent, du courage des plantes sous le poids de la neige ?
Je ne compte pas les jours mais les cailloux blessés. Les chiffres de la pluie s’additionnent aux parfums. Le soleil multiplie les tiges du jardin. Sur la falaise de l’homme, je m’accroche aux images pour ne pas perdre pied. Je laisse sur le roc des cicatrices en feu. Dans la chair des mots, la pointe du scalpel est le bout de la langue.
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Jean-Marc La Frenière
Chaque pissenlit.

Les gens de mon village n'ont pas de pieds, mais des pneus, de l'huile à vidange au lieu du sang, une soupape à moteur à la place d'un cerveau. Même les fraises y ont un goût de pétrole. La culture reste en panne au fond d'un vieux garage entre un licol et deux charrettes à foin. L'économie éteint le feu dans la paille des mots. La terre a mis sa robe d'été, son calicot de fleurs sauvages. Ce qui s'habille se dénude, de la plage à la branche. Chaque pissenlit fait sa fête au soleil. La pluie n'est pas jalouse. Elle se souvient de la caresse des vers de terre et de la soif des fougères. J'ai traversé la plaine où terre et ciel se marient. Me voici dans les pins, les chênes, les bouleaux. Un arbre en appelle un autre comme un oiseau de branche en branche. Mes yeux ne se lassent pas de regarder les arbres.

Les années s'accumulent, mais alourdissent l'ignorance. J'ai toujours préféré le hi-han des ânes à celui des ambulances, le bonnet d'âne au képi militaire, la peau nue d'une femme aux ses robes griffées, le jardin de Prévert aux graphiques de Marcellin Pleynet, le fracas des abeilles aux statistiques des comptables. M'écorcher la peau aux ronces des mûriers à brouter les pavés. Sans vraiment le vouloir, les yeux finissent par créer ce qu'ils voient. Si la chaleur augmente la lumière, le froid améliore la clarté. Quand il ne restera plus que les mots de la terre, j'en sèmerai partout. Il poussera des fleurs sur le plancher des banques, des arbres dans les rues, des ruisseaux pour les pieds des enfants, des pierres pour s'asseoir. Il faut savoir aimer pour que les mots retiennent la mémoire des corps.

Ce n'est pas la loi qui m'inquiète, mais ceux qui la respectent, le Christ aimant sa croix, les esclaves qui caressent leurs chaînes et dilapident leur espoir en billets de loterie. Qui donc leur a fait croire qu'on peut sauver le monde par une catastrophe? On entre à l'usine comme dans l'idée de Dieu. La paie est devenue l'église. Nulle part c'est partout et partout c'est nulle part. Même fermés, les yeux n'arrêtent pas de voir. L'ouvert et le fermé s'épousent. On vit, on meurt, à chaque instant. On ne voit pas le temps. Il y a trop d'espace autour. Il est déplorable qu'on doive connaître la prison avant de s'évader. Ce n'est pas comme la chenille dans un cocon.. L'homme n'est pas un papillon.

Je ne sais pas tout à fait ce que je vois. Malgré le jargon des savants, la vie reste un mystère. Je regarde le monde à travers les robes des femmes. Il ne faut pas confondre le labyrinthe avec l'errance, l'abstraction et la transcendance. Tant qu'il reste un contraste entre la chair et l'acier, l'espérance subsiste. Je cherche un peu d'amour parmi les blessures, les maladies, les morts. J'ajoute du réséda à l'abstraction, de la menthe à la tisane amère des années. Le temps est parfois si compact qu'on le touche du doigt. Il est difficile d'imiter le pschitt des chats avec des cubes d'alphabet rongés par les souris. Il faut avoir aimé pour créer la beauté, avoir été heureux pour croire à la bonté.
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Jean-Marc La Frenière
Pieds nus, mains nues,
le coeur à découvert
sans foi ni rien,
rien que pour toi
j'ai remis
le compteur à zéro ,
le bonheur à l'endroit,
le malheur à la porte.

Je n'attends plus l'éternité.
Je t'attends.

( publié le 17 mai 20018 sur son blog )
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Manquablement le bonheur s’est perdu sur la route
Manquablement l’espoir l’a précédé de peu
Manquablement la vie s’est cachée dans le talus
L’épine dans le talon, le feu dans le taillis

Manquablement l’amour a fait la sourde oreille
la nuit s’est pendue dans les arbres
L’oiseau refuse de chanter dans une cage d’ascenseur
Les pierres fatiguées contredisent la source
Le bois se fend.
La neige fond
La mer se noie.
La terre se terre

Manquablement
le cœur s’arrêtera de battre
La forêt murmurante aura perdu la voix

Manquablement la mort, le tonnerre et l’éclair
Manquablement le vent, la poussière et la nuit
Manquablement la peur, la misère et l’ennui
Manquablement la peau, la paupière et la pluie

Manquablement qu’il manque
une phrase au poème.


(Jean-Marc La Frenière - Manquablement - p7)
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Jean-Marc La Frenière
Les arbres dans la cour
referment leur feuillage
pour ne pas ébruiter
le secret des oiseaux.
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Jean-Marc La Frenière
Si loin.

Nous étions si bien tous les deux à caresser un loup, à regarder la pluie en larmes sur la vitre, tant de petits soleils. La vieille chaise a verdie où nous étions assis. Des fleurs y poussent en souvenir de toi. Je voulais mordre à la même pomme, planter le même noyau, toucher la même écorce. Je voulais marcher avec toi, longer les rives, arpenter les sous-bois, faire craquer les doigts de l'air. Je voulais dormir avec toi, ajouter tes collines à mon paysage, ton feuillage à mes branches, tes lèvres à ma bouche. Je pense toujours à toi. Je t'écris. C'est bête, mais je vis. Je vis pour toi là-bas où la mémoire perd son sang. J'apprends à lire de loin les mots que tu écris. Je ne suis pas là où j'habite. Je suis là-bas où tu vis. J'écris avec une main sans corps pour retrouver ta chair.

Ta photo sur le mur retourne à son négatif jusqu'au moment où elle fut prise. Tu me regardes ici, et pourtant, je suis là-bas, derrière ton dos. Je t'accompagne quand tu quittes ton corps. Je me fond dans le paysage comme la flèche dans son but et le désir d'être là. Avec les années, les étés qu'on a vécus ensemble restent jeunes. Ils tintent dans mes phrases comme des campanules. Ce qui était ne sera plus, et pourtant je le vois. Une nuée d'oiseaux se pose sur une île. Dans la maison de l'air, un pays infini baigne le blanc des yeux.

Écartelé entre les continents, je rêve d'un point commun sur la planète et au-delà, d'un grand lit calme dans la maison de l'air, d'une verdure commune dans les herbes du corps. La tendresse est une force à deux. L'herbe sent bon lorsque je pense à toi. Ton eau fraîche coule en moi comme un ruisseau de vie.

Il m'arrive de rêver de la même façon que je vis. Nous avions 9 ans. Je te traînais dans une voiture d'enfant, une voiturette de rêve. Tu étais toujours amie avec un autre, mais moi je regardais à travers tous les trous, les fissures, les grillages de l'air. Ta petite robe à pois écartait le malheur et ta poupée de son me faisait les yeux doux. Le soleil nageait sur tes taches de rousseur. Nous nous sommes perdus dans les grandes lignes de la ville, mais nous sommes retrouvés parmi les souvenirs. Dans le tissu du monde, un fil nous relie l'un à l'autre. La chambre close de tes bras s'est ouverte pour moi. Le lit où nous couchons nos vies est une longue rivière. L'amour est un passage à gué, un survol d'oiseau avant de nidifier, un nid pour la chaleur des œufs et la rumeur des eaux.

Il m'arrive de rêver comme les fleurs éclosent. Tu as laissé tes pas sur le tapis rouge de mes veines, des éclats de soleil dans l'ombre qui me suis. La vie ne baisse pas les bras, mais unit ceux qui s'aiment. L'espace bouge comme un doigt dans la bague du temps. Il me suffit d'un mot pour que roule encore la petite voiture, pour que le vent décoiffe tes cheveux en broussaille. Chaque matin, je regarde le ciel. Les oiseaux m'apportent des nouvelles de toi. Ces facteurs à plumes distribuent les sourires tout autant que les larmes. Je t'écris des poèmes dans les marges des pages. Hier est aujourd'hui et demain sera toi. La route du paysage est une clef vers toi.

Je voulais te présenter mon corps, mes caresses mes mains. Je voulais te présenter mes yeux, mes regards, mes jambes. Je voulais te présenter mes bras, ma poitrine, mes pas. Je voulais te présenter ma vie avant qu'elle vieillisse. Je voulais te présenter mon cœur, mais je n'ai que des mots. Mes doigts restent accrochés au bois nu d'un crayon.

Je me souviens de ton écharpe volant au vent, de toi assise sur la galerie dans la vieille berçante, tes yeux au bord du lac rattrapant l'horizon, ta main flattant mon loup entre la crainte et la tendresse. En route vers ton corps, mes mains se font légères pour toucher ta douceur. Mes doigts s'envolent en caresses. Je voudrais tant que tu sois là, alors je t'écris.
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Le prix de la vie augmente mais l'homme diminue. L'infini lui fait peur. Il érige des murs avec les corps assassinés. A toute heure du jour , j'avance dans la glaise des mots. Les mots n'ont pas d'horaire. Le rêve ne meurt pas. Les symboles résistent aux chiffres des comptables. Dans la forêt d'images ni l'épée ni l'épieu mais la tache d'encre a remplacé la hache. Je reste qui je suis. Je n'écris pas comme on cire ses chaussures. Je rafistole les trous de semelle avec des mots de cuir, du gros fil à bateau, des rustines en voyelles. J'entre dans les bois comme dans un sanctuaire. Il n'y a pas de tronc pour les pauvres mais je laisse des noix, des miettes de pains, des mots. Il n'y a pas de cierges mais le chant des oiseaux. Il n'y a pas de saints, de statues, mais il y a une âme. Une langueur fiévreuse flotte sous le couvert des branches. Tout n'est que boue et eau, humus métaphorique, oxymores échevelés et métaphores en friche. Je marche parmi les fées et les bêtes invisibles. Ma force est de garder espoir quand tout s'écroule autour de nous. Le bonheur n'est pas un but. Le bonheur est un droit.
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Jean-Marc La Frenière

La vie court à la mort
avec les pieds des hommes.
Elle s'ouvre à l'infini
avec la peau des fruits.

Si je n'abdique pas,
c'est à cause d'un loup,
d'une abeille,
d'un mot,
d'une vague odeur de menthe,
des sentiers d'herbe verte
qui prolongent mes jambes.

Je porte en moi les yeux
d'une femme très loin.
Je me nourris du pain des livres
et leurs miettes de lumière .

Un instant, une seconde,
la beauté passe et nous salue,
cela suffit pour continuer.

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Jean-Marc La Frenière
Sur le papier glacé et les écrans publicitaires, tout le monde est jeune et hygiénique, le sourire cool, le regard froid. Le vide autour de nous se remplit d’objets. Un encombrant déchet a pris toute la place, le cul, l’argent, le show. Des bébelles, des images, des mirages ont remplacé la main et la tendresse du jeu. La haine se consomme comme le reste qui n’est plus que nos restes. Les mains ligotées aux outils technologiques, nous produisons du vide sans distinguer les bons fruits des mauvais. On enterre le sacré sous les coquilles vides. Il n’y a plus de frères. Il n’y a plus que des rivaux agglutinés au tourniquet du paraître. Ils trahissent leur misère en endossant la mode. Ils négocient la honte sur des machines à sous. L’insignifiance a pris le stage d’assaut. Les follow spots n’éclairent plus qu’un manque. Il est temps que la colère des arbres ronge la paperasse et les bilans comptables. De quel sol germera l’onctueuse tendresse ? Aimanté par la rumeur des racines, je me tiens à l’affût. Je guette l’impossible émergeant du chaos. Je recueille les signes. Je suis l’oiseau qui chante en retrouvant la source, le pinson qui persiste au milieu des klaxons.

Ce qu’on appelle «croissance économique» n’est qu’un miroir aux alouettes. Les banquiers s’y mirent comme des paons ridicules. À bricoler des ruines, on ne sait plus bâtir à l’équerre du cœur. Les cloisons du décor empiètent sur le sens, les micros sur le chant, la surenchère sur la chair. Le corps n’est plus qu’un vêtement qu’on rafistole à coups de chirurgie. Nous tombons en morceaux l’un sans l’autre. La crête du vivant frissonne quelque part en fragments épars. Les chiens se mordent la queue et courent plus vite que leurs cris. À bûcher pour du papier, les bûcherons meurent de froid. La révolte se relève malgré tout, malgré les chars d’assaut et la fascination du fric, les mensonges et les cotes d’écoute, les camisoles de force, la peur et l’amnésie. Ils ont tout prévu, sauf la maille par où passent le rêve et la mémoire des ancêtres.

Je retourne dans les bois, creusés d’âge et de mousse. Je préfère être pauvre à mon compte que riche aux dépens des autres, ceux qui se graissent la patte et se remplissent la panse en détruisant la vie. J’ai tout appris par la force des choses. J’ai tout appris du feu, du verger, du lichen. Selon le cours du papier, même les bûcherons finissent par mourir de froid. Par le cantouque et la chouenne, des racines à la cime, je remonte la sève jusqu’à la tête des eaux. Que pourraient le bouleau sans le cèdre, l’érable sans le pin, le rhume des oiseaux sans la gomme d’épinette ? Je dirai donc la sève, l’humus et la colère des forêts, les cétacés enfouis sous la mémoire des glaces, le pollen courbé sur l’épaule du vent. Je lirai dans l’écorce ce que l’encre a tué.

La neige, en hiver, quand elle tombe en dansant, remplace les oiseaux. Je préfère le feu à la fumée, la parole au micro, l’écorce du bouleau à la nappe en papier, la barbe au prophète, le poète au notaire, celui qui rêve quand il neige, celui qui dort quand il vente, celui qui sort quand il pleut. On ne demande pas aux chercheurs d’or de sauver un oiseau, on le demande aux enfants. Je suis l’oiseau sans ailes qui vole dans son chant, l’arbre sans feuilles que réchauffe la sève. La neige ne va pas sans ombre ni la pluie sans soleil. En caressant du pied la bavette du poêle, je me réclame du froid, de l’espace et du vent. Je me réclame du pollen survivant au grésil, de la bannique et du portage. Je me réclame du capelan, du chevreuil, du lagopède rutilant. Mon cœur est une bête à portée de fusil.
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Jean-Marc La Frenière
Je ne suis pas poète.
Je ne suis qu'un frisson,
un enfant mal grandi,
un homme solitaire
qui écrit quelquefois
pour toucher de ses mots
la chair émue du monde.
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Jean-Marc La Frenière
Un instant, une seconde, la beauté passe et nous salue, cela suffit pour continuer.
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