Caroline fut la première à remarquer l'homme dépareillé et fourbu qui s'arrêta devant la porte de la ville.
- Vite, il est blessé, nous lança-t-elle en dévalant les escaliers des remparts quatre à quatre et en se précipitant vers le malheureux qui tentait de reprendre son souffle.
- Le... le roi... bégayait-il, je dois... le... voir.
- L'armée du pharaon est bien sortie d'Égypte pour nous venir en aide. Mais devant le déploiement de force des Chaldéens, elle est retournée chez elle. Les Égyptiens ne sauveront pas ton royaume, Sédécias.
Claudia eut un sourire triste et ne répondit pas. Elle s'approcha de la baie, resta un court instant silencieuse en se drapant dans son vêtement, car un petit courant d'air frais arrivait de l'extérieur, et enfin se retourna.
- Je te l'ai déjà dit, Nacklas, je n'ai aucun pouvoir.
- Oui, mais tu peux influencer Pilate.
- Ça c'est toi qui le dis. Pilate représente Rome, il est obligé d'agir en fonction des intérêts de l'empire.
Elle me fixait avec de grands yeux médusés, comme si elle découvrait le sens de la vie. C'était la première fois que j'étais amené à raconter à quelqu'un plusieurs épisodes qui avaient marqué l'apprentissage de notre mission, et je découvris que, mis bout à bout, ils prenaient une signification dont je n'avais jamais pris conscience.
Le jour où cela se produisit, Noé nous réunit à l'avant de l'arche, et nous demanda de regarder en silence. C'était impressionnant. Sous un ciel lourd, encore chargé de pluie, il n'y avait autour de nous que l'océan. Un océan gris, sale, sur lequel flottaient par endroits des restes du monde, amas de vêtements, branches auxquelles s’accrochaient des animaux gonflés d'eau. Nous avions beau regarder le mieux possible, nous ne vîmes ni homme, ni femme, ni enfant. Seuls représentants de la vie sur terre, l'arche et ses occupants voguaient au gré des courants, sans savoir où aller puisque tous les repères avaient disparu.
Il se retourna et je mordis mes lèvres de stupeur. L'homme qui se tenait devant moi portait en lui une lumière qui éclairait sa face et le rendait ardent de l'intérieur ! En cela il ressemblait au personnage que j'avais vu parler avec Josué devant Jéricho!
Il remarqua ma stupéfaction.
- Oui, je comprends ta surprise. Vous n'êtes pas habitués à nous voir. Généralement, nous passons à travers votre regard. Nous sommes là, mais vous ne nous voyez pas.
- Mais qui êtes-vous ?
- Ton ange gardien. Je m'appelle Nataël.