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Citations de Jean-Paul Descombey (46)


Quand l'hospitalisation intervient, elle provoque une cassure dans le continuum de la vie, du travail, et de l'alcoolisation. Le patient attend alors du médecin une remise en marche de la machine, pour être "comme avant", c'est-à-dire pour recommencer à boire.
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La crise se résout sans lendemain pathologique si le sujet trouve une aide adéquate, auprès d'un interlocuteur, médecin, psychiatre, oncle ou adulte susceptible de l'aider à faire l'économie de ces avatars. Cette aide est délicate : le jeune nie le problème et refuse l'intrusion. La personne de l'intervenant est aussi importante que sa "technique" : elle doit être reconnue comme ferme et forte sans être rigide, extérieure et différente des parents mais à laquelle on peut s'identifier de façon rassurante. L'interlocuteur-thérapeute doit donc éviter toute attitude paternaliste, de même que toute séduction démagogique. Il doit aussi donner au jeune l'assurance que ce qui lui est confié ne sera jamais divulgué. Le thérapeute doit se montrer sinon "activiste", du moins actif, voire directif, sans être normatif ou culpabilisant. Le jeune parle parfois pour le première fois de lui-même, il faut savoir l'écouter et parler de lui de "banalités", en manifestant intérêt, compréhension et aide, sans chercher à "combler" ou "nourrir" psychiquement, à tout prix, le sujet. Subir les agressions verbales de l'adolescent sans réagir n'est ni facile ni agréable, mais il est certain que le langage n'a pas pour peux le même sens que pour nous. L'aider à s'accepter comme personne, dans son corps, et dans sa sexualité, est nécessaire et suffisant.
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Si l'on a fait travailler les patients sur la représentation qu'ils se font de leur corps, en parlant, dessinant, modelant, en pratiquant la relaxation ou la gymnastique, on est frappé de constater combien est archaïque l'image qu'ils s'en font : il est réduit à une sorte de tube à deux orifices, sans valve, comparable à ces bonshommes têtards figurés dans les dessins des jeunes enfants, ou mal unifié, morcelé comme le révèlent les épisodes de delirium tremens décrits par Paul Schilder et Walter Bromberg. C'est la symbolisation même du corps, sa représentation qui manquent ou sont altérés chez l'alcoolique.
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... ces patients ne méconnaissent pas seulement leur corps malade (anosognosie), c'est leur corps même qui leur est inconnu, dans son unité,son unification, sa globalité et son rapport à la personne.
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De même, avec ses fils, l'alcoolique a tendance à privilégier des rapports de copains, en une sorte d'escamotage des générations. Avec le médecin, s'il a pu se lier avec lui, de même rapports de copains s'installent, où disparaît le côté technique et asymétrique de la relation médecin-malade. Mais à pouvoir parler de tout avec son médecin, peut-on encore parler de santé, de maladie, de sexe, d'alcool, de mort ?
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Leur efficacité [aux groupes types AA] vient de leur fonctionnement original. Les groupements utilisent la vie groupale pour "ne plus boire ensemble", de même qu'auparavant boire ensemble était la raison d'être du groupe. Certains alcooliques sont très directs : "Le groupe remplace l'alcool." C'est un transfert utile de la dépendance. Le membre du groupe "incorpore"celui-ci en lui, comme l'objet d'amour que l'alcool, finalement, ne peut plus représenter pour lui. "Je suis dépendant des AA", "on a le groupe en soi". Dire "j"ai été "enrobé" dans Vie libre", c'est signaler le rôle de prothèse du mouvement.
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Autant il est vain de répondre au coup par coup aux demandes du sujet, autant il est cruel et inutile de le laisser en suspens. Le personnage qu'il nous montre est comme le masque à travers lequel l'acteur tragique parle, ce que l'étymologie du mot (personne = per sonnare) fait entendre. C'est cette image qu'il a besoin d'offrir avant de pouvoir révéler son identité personnelle. Il faut du temps pour laisser "mûrir" la demande et il faut le dire au patient, en lui faisant entrevoir les nécessités du traitement. L'engagement personnel qui est nécessaire représente bien plus que la simple "réparation" des dégâts physiques voire psychiques.
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Cette défaillance dans la relation au réel et au vrai va de pair avec une extrême difficulté à se situer dans le temps. Il raconte à grand-peine sa vie selon une ordonnance séquentielle. C'est d'ailleurs principalement la temporalité qui est touchée quand survient une atteinte organique du cerveau, l'encéphalopathie de Korsakoff, qui associe amnésie des faits récents, fabulation, fausse reconnaissances (des personnes, des lieux, etc.).
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Des années après la mort de l'être proche, les réactions sont encore vives à l'évocation du défunt, marquant l'absence d'un travail de deuil. Il semble même que les alcooliques soient incapables de ce travail de deuil, née d'une confusion de leur sort avec celui du défunt. Dans leur esprit, les générations se télescopent et la représentation du temps en est bouleversée.
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Il existe aussi des contre-attitudes "positives", conçues comme telles mais qui n'en compromettent pas moins l'aide apportée : ainsi, l'attitude bénévolente,activiste, du médecin qui, à chaque appel du patient vole à son secours. Un rapport de fascination-captation s'installe, où le médecin risque de se faire plus avocat que médecin. Lorsqu'une relation de copain se noue, la spécificité de la relation médecin-malade, sa technicité, son asymétrie disparaissent aux dépens du projet thérapeutique.
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La désintoxication est un mythe auquel ni le médecin ni patient ne doivent se laisser prendre. Elle implique que tout est la faute de l'alcool et rend le médecin complice du leurre qu'utilise le malade, projection sur l'alcool de son problème personnel. D'une part, la notion de désintoxication est dépourvue de tout contenu médical. D'autre part, elle entretient chez le sujet de l'illusion qu'il est "lavé", "purifié", prêt à "repartir à zéro", comme si rien ne s'était passé. L'erreur est donc double, médicale et psychologique.
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"Faire avouer" le patient n'est pas lui faire prendre conscience de sa conduite, mais lui faire perdre la face. S'avouer alcoolique n'est pas formuler une demande de soin. Dans le même temps, on ne cesse de taxer l'alcoolique de mauvaise foi, à cause de l'étrange rapport qu'il entretient avec la vérité, rapport magique qui rappelle le fonctionnement des mensonges enfantins : "Je le dis, donc c'est la vérité."
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On peut conclure avec Pierre Fouquet que le fond commun aux deux sexes dans l'alcoolisme est le sentiment d'échec face à leur vie et le leurre qu'ils utilisent pour tromper le sort.
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En fait, le sexe ne constitue pas un caractère différentiel de l'alcoolisme : un patient se comparait volontiers à un "petit escargot", animal réputé hermaphrodite.
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L'alcoolisme féminin suscite dan la société une réprobation, une indignation et une répulsion très vives. L'alcoolisation, tolérable chez l'homme, paraît obscène chez la femme. S'y ajoute l'inquiétude immédiate pour les enfants, ce qui rejoint une réalité incontestable - l'alcoolisme féminin est un alcoolisme directement présent dans le foyer, malgré les tentatives de dissimulation - mais témoigne aussi de préjugés sociaux.
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Le récit que la plupart des alcooliques font se réduit souvent à une accumulation d'événements, où les faits se télescopent, l'ordre s'inverse comme si les liens de causalité n'existaient plus. L'interlocuteur, profane ou non, est tenté d'y voir une mauvaise foi, alors que c'est l'ordonnancement temporel de deux faits vrais qui a été altéré. Le patient alcoolique vit tout et dit tout en fonction du seul présent, et même de l'instant, car le présent supposerait un passé et un avenir. Le temps du récit est d'ailleurs confondu avec le temps où les faits racontés se sont passés.
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Son rapport à la vérité est d'ailleurs si particulier qu'on l'accuse volontiers de mauvaise foi. Ses mensonges, sa dissimulation se rapprochent davantage des mensonges d'enfants et d'un usage magique de la parole : "Ce que je dis est vrai parce que je le dis."
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Peut-on d'ailleurs parler de suicide quand la mort et sa recherche sont à ce point méconnues ?
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Dans les services des hôpitaux généraux et surtout psychiatriques, les patients alcooliques se repèrent d'emblée et tendent à se grouper en un clan auto-ségrégatif vis-à-vis des autres malades. Se démarquer des autres est un moyen, collectif d'affirmer une identité.
Mais c'est ce qui fait le succès et l'efficacité des associations dites d'"anciens buveurs" : une même communauté, excluant toute altérité, s'y retrouve face à l'alcool, ennemi diabolisé.
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Certes, le désinvestissement psychique du travail est, chez le sujet alcoolique, un élément pronostique sévère. Cependant, toute activité pendant la cure ne doit pas servir, à l'instar du travail, à éviter de penser, imaginer, fantasmer voire créer. Faute de quoi, l'occasion offerte par la cure de penser la vie au lieu de la vivre au jour le jour, de réfléchir et d'échanger, est perdue.
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