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Citation de fanfan50


Au XVIIe siècle, les convictions sont inébranlables : l’idéologie religieuse s’est doublée d’une idéologie politique que le temporel a sécrétée lui-même : personne ne met publiquement en doute l’existence de Dieu, ni le droit divin du monarque. La « société » a son langage, ses grâces, ses cérémonies qu’elle entend retrouver dans les livres qu’elle lit. Sa conception du temps, aussi. Comme les deux faits historiques qu’elle médite sans relâche – la faute originelle et la rédemption – appartiennent à un passé lointain ; comme c’est aussi de ce passé que les grandes familles dirigeantes tirent leur orgueil et la justification de leurs privilèges ; comme l’avenir ne saurait rien apporter de neuf, puisque Dieu est trop parfait pour changer et puisque les deux grandes puissances terrestres, l’Eglise et la Monarchie, n’aspirent qu’à l’immuabilité, l’élément actif de la temporalité c’est le passé, qui est lui-même une dégradation phénoménale de l’Eternel ; le présent est un péché perpétuel qui ne peut se trouver d’excuse que s’il reflète, le moins mal possible, l’image d’une époque révolue ; une idée, pour être reçue, doit prouver son ancienneté ; une œuvre d’art, pour plaire, doit s’inspirer d’un modèle antique. Cette idéologie, nous trouvons encore des écrivains qui s’en font expressément les gardiens. Il y a encore de grands clercs qui sont d’Eglise et qui n’ont d’autre souci que de défendre le dogme. A eux s’ajoutent les « chiens de garde » du temporel, historiographes, poètes de cour, juristes et philosophes qui se préoccupent d’établir et de maintenir l’idéologie de la monarchie absolue. Mais nous voyons paraître à leur côté une troisième catégorie d’écrivains proprement laïcs, qui, pour la plus grande part, acceptent l’idéologie religieuse et politique de l’époque dans se croire tenus de la prouver ni de la conserver. Ils n’en écrivent pas ; ils l’adoptent implicitement ; pour eux c’est ce que nous appelions tout à l’heure le contexte ou ensemble des présuppositions communes aux lecteurs et à l’auteur et qui sont nécessaires pour rendre intelligible à ceux-là ce qu’écrit celui-ci. Ils appartiennent en général à la bourgeoisie ; ils sont pensionnés par la noblesse ; comme ils consomment sans produire et que la noblesse ne produit pas non plus mais vit du travail des autres, ils vivent plus en collège, mais, dans cette société fortement intégrée, ils forment une corporation implicite et, pour leur rappeler sans cesse leur origine collégiale et l’ancienne cléricature, le pouvoir royal choisit certains d’entre eux et les groupe en une sorte de collège symbolique : l’Académie. Nourris par le roi, lus par une élite, ils se soucient uniquement de répondre à la demande de ce public restreint.
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