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Critiques de Jean-Pierre Bertrand (9)
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Les lauriers sont coupés

Il arrive fréquemment qu'on découvre les écrivains non directement, mais à travers l'oeuvre des confrères qui les ont prolongés. Et puis un jour, on rencontre l'original. Je me souviens d'avoir été très admiratif du Leutnant Gustl d'Arthur Schnitzler et, en général, de sa technique du monologue intérieur qu'il a certainement contribué à porter à son point le plus élevé de perfection. C'était il y a une quinzaine d'années, et j'avais environ vingt ans. Un peu plus tard, j'ai découvert Alain Robbe-Grillet et Michel Butor qui sont de grands écrivains, quoi que répètent les imbéciles d'hier et d'aujourd'hui qui bêlent ce qu'on leur dit de bêler suivant l'air du temps (hier, pour se donner l'air mariole, obligation de les encenser; aujourd'hui un "connaisseur" doit forcément y aller de son commentaire méprisant - c'est pitoyable!)



D'ailleurs, je vais ouvrir ici une brève parenthèse au passage: admirer et critiquer est à la portée de tous quand on ne sait pas de quoi on parle. Il est très difficile de parler en mal de chefs-d'oeuvres comme le Degrés de Butor ou le Souvenir du Triangle d'Or de Robbe-Grillet une fois qu'on les a lus. Alors, certainement il y aura des imbéciles pour soulever le fait qu'ils étaient de gauche, de gauche caviar, même, et des satellites de 68, bref tout ce que je suis censé détester. Seulement, ça ne marche pas comme ça. La valeur d'une oeuvre, quand elle en a une, est absolue. Et si vraiment on me classe à droite (je ne suis pas de gauche, c'est certain), alors je m'approprierai la réponse de Jean Dutourd à Jacques Chancel qui lui demandait: "Mais y a-t-il vraiment des intellectuels de gauche et des intellectuels de droite? - Oui, expliqua Dutourd: un intellectuel de gauche, c'est un type qui vous fait taire; un intellectuel de droite, c'est un type qui vous écoute". Evidemment, tout le "Nouveau Roman" n'est pas sauvable; ce n'est heureusement pas un mouvement homogène: la minable production de Nathalie Sarraute est bonne à jeter intégralement. J'ai lu l'autre jour sur Wikipedia cette aberration que "les deux chefs de file du Nouveau Roman", c'étaient Robbe-Grillet et Sarraute. Cette stupidité de mauvaise foi ne laisse aucun doute sur son mobile idéologique et communautaire, mais elle n'illusionne personne. Historiquement comme artistiquement, les deux chefs de file du Nouveau Roman étaient Butor et Robbe-Grillet. Je referme la parenthèse.



Retour à Dujardin: avec Les Lauriers sont coupés, roman que j'ai découvert en lisant Valery Larbaud, j'ai rencontré l'original, le précurseur de Leutnant Gustl et des Gommes, le père du monologue intérieur, ce procédé qui fait surgir tout un univers mental et social à travers le développement des rapports entre les êtres, entre les choses, non par la description, mais par la déduction. Tout y est des techniques révolutionnaires qui seront reprises tant de fois par la suite: les ellipses du fragmentaire qui laisse l'imagination du lecteur combler les trous, les descriptions infinitésimales… C'est génial, et assez beau. Les successeurs que j'ai cités se chargeront de mûrir et de perfectionner la technique.
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365 histoires

Qui n’a pas lu ou raconté des histoires à ses enfants pour que ceux-ci puissent s’endormir. Cet ouvrage comprend 365 conte, un par soir.

A vous d'en découvrir le contenu.



A lire, à relire ou à conter le soir à vos enfants pour qu’ils puissent faire de jolis rêves. !!

Attention les parents, ne vous endormez pas !!!

Bonne lecture à vous.



J’ai bien aimé.

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Les lauriers sont coupés

Mon objectif dans cette lecture, c'était de vérifier la nature du rapport entre la description matérielle – du cadre extérieur – et le monologue intérieur – imitation du flux de la pensée – sachant que ce roman constitue l'acte de naissance de celui-ci.

Il m'apparaît que le monologue intérieur est une dérivation directe de la description matérielle, et non un substitut, une forme stylistique qui se caractérise également par une syntaxe très hachée, très peu verbale, et une ponctuation particulière, où le point-virgule a la part belle.

L'ouvrage n'est pas écrit entièrement en monologue intérieur. En vérité, les dialogues sont encore très présents, car la narration se déroule de façon contemporaine à l'action – au cours d'une soirée ; les descriptions des gestes et actes du protagoniste s'y mêlent également, ce qui constitue une contradiction flagrante avec le monologue intérieur ; de plus, le ch. 5 se compose en grande partie d'extraits de lettres, donc de textes écrits : autre dérogation au genre.

Mais Dujardin doit avoir senti qu'il tenait là quelque chose d'intéressant, dont il essaya de multiples variations en y revenant encore et encore. Le passage de l'endormissement du héros est célèbre et indiscutablement habile – drôle aussi, puisque, dans les bras de l'aimée, monsieur Prince risque fort de prononcer tout haut le nom d'une autre, à moins qu'il ne l'ait fait... –, mais personnellement j'ai trouvé que le plus abouti en absolu est le passage suivant, qui s'inscrit dans la description du trajet entre la maison du héros et celle de Léa au son d'une musique de rue. On notera l'introduction d'une partition musicale en miniature, ainsi qu'un usage impressionnant des répétitions, qui peuvent être interprétées de deux manières : comme la reproduction d'un rythme musical ou bien, surtout, comme une très efficace description de la pensée qui se développe par assonances et glissements successifs de métaphores (ce qui correspond bien à une pensée désinvolte) :



« […] un chant d'orgue de Barbarie, un air à danser, une sorte de valse, le rythme d'une valse lente... [miniature de deux mesures de partition] … où est l'orgue de Barbarie ? derrière, quelque part, j'entends sa voix criarde et douce... "j't'aim mieux qu'mes dindons"... un chant qui va et recommence... [trois mesures] … le calme d'une voix qui naît, sous un paysage calme, dans le calme cœur amoureux, et le désir très contenu d'une naissante voix ; et la voix répondante, équivalente et plus haute, ascendante, calme et ténue, ascendante en le désir ; et encore elle qui s'élève ; la croissance du désir ; sous le site toujours naïf et dans ces naïfs cœurs, l'ascendance monotone, alternée, calme, d'une très douce angoisse ; le simple doux chant qui s'enfle et le simple rythme ; entre les feuillages frais, parmi la sourdine des bruits quelconques, voix grêle, s'enfle le chant criard et doux, la monotone litanie, le fixe rythme des lentes danses ; et surgit l'amour... » (p. 71).



Je voudrais conclure par la trame du roman, qui ne me paraît aucunement ancillaire au procédé d'expression qui, naturellement, retient les lecteurs avertis depuis que sa renommée est établie. Les états d'âme et oscillations de sentiments d'un jeune homme condamné à un amour avec une demi-mondaine sans réciprocité, évidemment, pour des raisons structurelles liées au système matrimonial en vigueur à son époque, sur une durée qui s'étend entre quelques heures avant le rendez-vous et le douloureux Au revoir, se prêtent particulièrement bien au monologue intérieur, c'est-à-dire à une description d'âme tourmentée. L'amour non partagé à l'heure du rendez-vous, ça fait une sacrée action mentale !

Sans doute les auteurs successifs auront vite deviné qu'il eût suffit de supprimer la synchronie pour épurer le procédé de ses contradictions.
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La belle au bois dormant naissance d'un bal..

Après avoir laissé de côté mon apriori sur cette couverture qui m'apparaissait un peu vieillotte, j'ai trouvé la lecture de cet ouvrage rare assez instructive. La démarche est intéressante. En 1982, pendant deux mois, un journaliste et plusieurs photographes ont réalisé un reportage à l'Opéra de Paris sur la nouvelle création du ballet La Belle au bois dormant.



Ce ballet est étonnamment entré assez tard dans le répertoire de la compagnie. En 1974, il est dansé dans son intégralité pour la première fois par les danseurs de l'Opéra de Paris sur une chorégraphie de la cubaine Alicia Alonso, reprenant la mise en scène de Petipa.



Pourtant La belle au bois dormant, trouvant sa source dans le conte de Charles Perrault, a été créée en 1890, à Saint-Petersbourg par le français Marius Petipa. Le livre donne quelques indications sur la collaboration entre le chorégraphe et Tchaïkovski qui est choisi pour la composition de l'œuvre. Petipa a beaucoup d'exigences sur la partition et délimite un cadre strict au musicien.



Au début de l'année 1982, ce ballet renaît sur la scène de l'Opéra, installé temporairement au Palais des congrès. Cette nouvelle version se dessine sous l'égide de la chorégraphe franco-américaine Rosella Hightower. La musique quant à elle est confiée à l'orchestre des concerts Lamoureux. On prend plaisir à voir la distribution de l'époque : Noëlla Pontois, Patrick Dupond, Ghislaine Thesmar, Françoise Legrée... Le livre s'attarde aussi sur les décors d' inspiration Gustave Doré, la peinture sur corps et les premiers effets audiovisuels. Pour ces derniers, c'est assez intéressant de voir l'évolution par rapport à aujourd'hui (des techniques autrefois très chronophages pour les danseurs et les modèles).



Ce livre se parcourt rapidement. Je pense que le pré-requis est bien entendu d'aimer le ballet pour s'y intéresser. Cependant, il est accessible dans ses explications. En résumé : intéressant pour le côté historique et ponctué de photographies en noir et blanc et en couleur.
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Les lauriers sont coupés

Drôle de destin que celui de ce petit livre de Dujardin qui passe totalement inaperçu à sa sortie. Dix ans après sa parution, l'auteur décide de le retoucher et c'est cette nouvelle édition qui tombe un jour entre les mains de James Joyce. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il s'en souviendra : quand, en 1922, paraît Ulysse dans son intégralité, Joyce avoue avoir été très fortement influencé par Les lauriers sont coupés. Il rend donc à César ce qui appartient à César. Eh oui, c'est que Dujardin, avec ce roman, invente le monologue intérieur - et ce n'est pas rien ! Du coup, c'est un livre à lire plus par curiosité qu'autre chose, je dirai. Pas mauvais-mauvais, mais on voit que Dujardin a du mal, qu'il tâtonne - ce qu'on peut tout à fait comprendre, il est tout de même en train de poser les bases d'un nouveau genre, et il a tendance à se perdre. Il ne sait pas trop comment faire pour ne pas décrire son personnage et ses actions, alors on croise parfois des "je toque à la porte" (ce qui n'a aucun sens mais on lui pardonne) ainsi qu'une fiche descriptive à la fin du roman. Plus amusant, on trouve aussi une scène d'endormissement qui ne tardera pas à devenir un topos du genre.

L'histoire en elle-même n'a rien d'extraordinaire : le narrateur entretient une jeune actrice et se plie à ses désirs. Oui, une phrase suffit pour résumé ce petit roman où il ne se passe au final pas grand chose.
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Les lauriers sont coupés

Très bel exercice de style pour ce court et poétique roman

Il nous entraîne en cette fin de 19ème siècle ou les passions sont enfouies, tues, mais douloureuses au possible

Un bel érotisme tiens le lecteur en haleine et surtout le héro de ce livre qui nous entraîne au plus profond de ses nobles ingénues pensées.

Un moment de fraîcheur littéraire

Un admirable tableau romantique et impressionniste

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Les lauriers sont coupés

Un petit roman bijou de romantisme en plein cœur de Paris insouciant, cela fait du bien de s'échapper de la réalité en découvrant cet auteur qui devrait être plus reconnu.
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Les lauriers sont coupés

Rendre à César...



En 1887, paraît Les Lauriers sont coupés de Édouard Dujardin, jeune auteur symboliste et wagnérien, proche de Mallarmé. De son aveu même, le livre fut reçu dans une indifférence à peu près générale et les ventes quasi nulles. Puis, il y eut cette lettre de James Joyce à son ami Valery Larbaud...



La suite sur...
Lien : https://lesheuresbreves.com/
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Les lauriers sont coupés

Quel curieux livre ! Court, sans intrigue, avec peu de communication entre les personnages. Je ne connaissais pas l'auteur de ce roman. Le procédé narratif m'a rendu perplexe au premier abord. Toutefois au fil des pages je me suis prêté à ce qui m'est apparu comme une innovation littéraire. La forme d'écriture - le monologue intérieur - est déroutante. Le lecteur est projeté dans les pensées du personnage principal à propos des conduites à tenir dans la relation amoureuse platonique qu'il a avec Léa. Ces pensées s'inscrivent dans un fonctionnement mental, jamais en repos, où s'interposent furtivement les fragments des décors, situations et objets rencontrés dans sa promenade ou dans ses occupations familières. Ce monologue est une mise à plat d'un tournis mental dont aucun d'entre nous est épargné. Le style d'écriture plutôt haché, réussit à traduire les mécanismes de ce fonctionnement mental par le recours à des énumérations juxtaposées d'actes usuels accomplis, d'objets aperçus, d'éléments d'ambiance du milieu urbain. Le mental du personnage crée une réalité perçue par sa seule subjectivité. En cela ce roman est très éloignée des livres réalistes et naturalistes de la fin du 19éme siècle.

Le monologue intérieur ne porte pas sur une introspection personnelle pour expliquer ce qui motive le personnage à agir de tel façon plutôt que de tel autre. Néanmoins le lecteur dispose des matériaux du livre pour analyser et comprendre le personnage principal. Son amour platonique me semble révéler une personnalité en attente d'une passion physique et sexuelle. Pourtant son ambivalence est un frein qui le rend inactif. Elle me paraît dissimuler sa crainte de la femme et du sexe, son manque de confiance en ses caractéristiques masculines et une vie repliée sur lui-même.
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