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Citations de Jean Sénac (73)


LE DON DE JOIE


Qui trouve au bord du dénuement
sur les remparts de sa faim
une larme discrète
l’amère saveur du chaos
qui du fond de sa solitude
tire un visage attentif
une fontaine coutumière
et parle sans souci de ses propres embûches
celui-là sait que Dieu s’installe dans le corps
pour une éternité première
et rien ne peut plus le distraire
de cette voix qui s’est tue
au centre de l’épi.
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Je t’ai trouvée…


Je t’ai trouvée
ta voix suffit le monde s’ouvre
nous arracherons l’homme à son ombre
ensemble nous fermons les plaies.
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Je reprends grâce à toi…


Je reprends grâce à toi le souffle et la mesure
le coquillage d’eau est au creux de ta chair
il m’enseigne à rouler aussi vrai que la mer
les galets dans ma gorge
avant de les donner aux hommes qu’ils rassurent.
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Ton regard…


Ton regard se fait complice
des pierres et du soleil
pour une absence limpide.
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CHEMIN DES RONCES


III

Poète des chaos
des amours fous des épines
d’un royaume sans pitié
d’un visage sans appel

Par le sacre de la mort
je retrouve l’innocence
je justifie la parole
j’en fais une eau amicale.
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CHEMIN DES RONCES


II

Cette larme si terrible
que j’ai serrée dans un mot
maintenant elle déclenche
tous les jeux de l’océan

Dieu connaît le sang des choses
il séduit le naufragé
avant que j’aie dérobé
cette mémoire frivole
il avait planté un cèdre
dans mon cœur pour le nouer

Regarde ce puits confident
cette larme si terrible
ce voile de Véronique
où j’ai préservé ton nom.
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CHEMIN DES RONCES


I

Mon amour mon amour
je t’appelle sans répit
je te donne des noms inutiles
des noms sans magie
des noms qui n’éclatent pas
comme un mauvais fruit

Mon amour si mal appris
mon détour ma belle eau sale
mon corsage de l’été
déserté par le désir

Tout est toujours à renoncer
à partir d’une larme
le cri de l’oiseau
l’honneur du pain bis
le fruit qui séduit
le pli de la nappe

Et toi mon amour
mon œillet de soufre
ma nuit qu’il faudrait refaire
pour donner une chance au soleil.
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Toute tendresse est infinie

Le temps que coule ton plaisir

Et que sèchent nos draps.



Toute tendresse inaltérable

Le temps qu’autour de tes fragiles bras

Je lie et je délie les ordres de la fable.
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Que votre nom

Même si vous devez rejeter mon appel

Que votre nom ne me condamne pas

Je porte en moi un cheptel

Terrible



Le pire n’est pas tant ma force

Que mon faible dit mon ami

Dans l’inconsistance du fruit

La cave se prépare

Où croulera le cri



Du moins qu’une seconde austère

Notre visage soit admis

À porter le feu de la terre

Son décalque jusqu’à l’oubli



Votre nom ici se retrouve

Avec l’amande ô liberté

Si passionnément préservée

Dans les sédiments de la louve !
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La mer ce n’est jamais que le rivage le plus courbe

Perdu dans un soupir la paume d’une main

Et plus qu’une coquille étrangère au chagrin

La pure éternité d’une vacance trouble.



Le double fruit des grands sables doyens

Votre baiser mémoire et la fuite des robes

La mer c’est votre appui mon enfant qui dérobe

À la terre sa ruse aux vagues leur dédain



Le chiffre du varech

Nous alimente avec

La grâce du jeune homme

Et ce couteau suffit

À partager la nuit

Celle du secret lit et celle que je nomme.



La mer, ce n’est jamais que ce peu de salive

Ce crabe sourcilleux qui tremble sous tes yeux

Et le talon léger qui des marelles vives

Jette vers l’invisible un défi rocailleux.
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MIROIR DE L'EGLANTIER


Feu de sarments dans tes yeux
feu de ronces sur tes joues
feu de silex sur ton front
feu d'amandes sur tes lèvres
feu d'anguilles dans tes doigts
feu de laves sur tes seins
feu d'oranges dans ton cœur
feu d'œillets à ta ceinture
feu de chardons sur ton ventre
feu de glaise à tes genoux
feu de bave sous tes pieds
feu de sel et feu de boue
un incendie réel
tout droit sur la falaise
un faisceau de saveurs
où je me reconnais

Mère ma ténébreuse.

                 Alger, 24.XI.49
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LA NUIT D'UN DOUTE
à Mireille et Jean de Maisonseul,
à Reski Zérarti

II
POUR CONJURER LE CHANT FUNÈBRE

1

Il vient un jour où de nouveau
Tu crois
A l'espace, la pierre,
Où le soleil sur tes paupières est une halte de chevreau.
Entre tes cils 12 564 couleurs effervescent, la joie passe
‒ C'est une électricité prodigieuse !
Alors, tu jettes ton vieux linge, ta barbe superflue, tu
chantes
Et les enfants t'écoutent. Ils écoutent le poète Jean Sénac.
Ils disent : "Dans notre livre, il y a une récitation du poète
algérien Jean Sénac."
D'un coup ils ont peuplé les grilles de jasmin. Tu chantes
Pour un peu de clarté commune, car la nation s'est mise
en marche
En toi ‒ comme une moelle ! Tu retrouves le regard
Qui voit,
Celui qui coule dans la terre
Et l'arbre pousse.
Pas forcément les larmes, le regard
De source,
Celui du chant d'oiseau sur le mont reboisé,
L'appelant, l'ouvrier de la force intérieure,
Le regard de dedans qui dehors a son poids
‒ Et sur la terre il tient tout entier !
Tout cela parce qu'un passant t'a mis dans la main
Une phrase,
Parce que sa pupille à la tienne s'ajuste
Comme ces cartes perforées
‒ Et nous savons,
Tu sais que la mort a ce goût de moisissure que tu hais
Dans les chambres humides. D'un cri
Tu laves les carreaux. Tu cries : "Soleil !" Et ton soleil
fidèle
Remonte.
Ensemble nous allons sur le Môle épeler
La ligne tout là-bas qui fait le monde : l'ho
(L'eau !) l'hor (l'or !), l'ho-ri-zon.
Tu recommences tellement le rire est frais dans tes
entrailles :
L'ho (l'aube !), l'hor (non l'horrible, l'oracle !), l'horizon.
Il y a pour ton pas maintenant une courbe.
Allons !

2

Jette à la mer tes sandales de mort !
Un poisson pétille,
Un oursin violet
Sur le sable pille
Toute la clarté.
Regarde, au fond brille
L'algue, le fer et
La vie – e !
Tu jettes dans la mer tes sandales de mort.
Tu sautes, âme folle,
Tu es heureuse,
Tu n'as pas de contrôle,
Tu…
Oui, tu es belle
Comme la Longue Marche !
Comme la victoire du Viêt-nam !
Comme une peinture de Khadda,
Un relief de Martinez,
"L'Arabie Heureuse" de Baya,
Toutes les couleurs de Zérarti.
Comme une aquarelle d'Aksouh,
Un paysage de Maisonseul,
Le Noûn de Benanteur et l'Alif d'un hibou.

p.422-423-424

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QUELQU'UN

Le bruit des pages tournées…
Non, c'est un rêve.

Entre deux portes l'air…
Non (reprends ta lecture).

Cette paille qui tremble sous le toit…
Rentre tes mains. Réchauffe-les.

Ce bruit…
C'est un réveil.
Cet autre…
Le cheval.

La nuit coule, froide, blanche,
Entre l'oreille et le cœur.

13 décembre 1960, 3h 15 matin
p.368
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La machine tape est-ce qu'on sait
Est-ce qu'on sait ce qu'elle tape ?
X
Y
Z
v z i b x u o d m i k g
Vlmuklod mighqpqp Iktenism Ipqhianm
Azkl melwpal "Ipsjeghr" mqiepyjsl.
L'acier parle, et le plomb, l'encre
Et l'onde entre l'r et moi.
Sous la traque des couleurs, les univers qui hennissent,
Est-ce qu'on sait (qui tape avec mes deux doigts
quel atome magnétise
quelle matière aimé (h) antise
quelle structure me tire à qui) sur ma cuisse
Le bleu du mot avoue quoi ?

p.741
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LA GRANDE MURAILLE

J'ai vécu, à 45 ans*, dans la misère et le désordre.
A 50 ans, pour ne pas périr, j'ai essayé de voir clair.
A 60 ans, je respire un peu. J'ai décrassé des alvéoles.
Je sais aimer sans mourir chaque matin.

p.738
* Aujourd'hui.
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POÈME DU LECTEUR

(Lecteur, voici le lien. Ma main, offerte, non plus traçante.
Envahis cette page. Ecris. Ou tache. Mais un instant, dans
cette blancheur, vis — vivons.)


p.748
* (suite voir critique)
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À LA POINTE DE L'AUBE

1
La rougeur sur l'îlot et le blanc indicible
De la dernière étoile dans le premier matin,
La mer prise de chair de poule et raclant au métronome
ses os,
Le noir qui cède au bleu, le bleu qui cède au jaune,
De ce balcon où l'univers m'impose l'harmonie,
À travers tempêtes, microsillons, désordres,
En cette saison où les autobus déversent leurs corbeilles
d'adolescents dorés,
Face aux navires qui croisent vers le nord,
Je m'enracine et règne.

2
Entre bleu et blanc tout est blanc.
Ou noir.
Les mouettes, par couples, approchent.
Mais avant la jubilation
Le silence, sec et friable.
Blanc. Noir. Blanc. Un ongle. Pupilles envahies. Tendresse.
Déjà les violentes cymbales
Interrogent le cœur.

21 juillet 1966
p.460
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PROPRIÉTÉS

Ce que tu prends aux autres tu ne te rends pas compte à
quel point c'est à toi.

p.739
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LOUANGE

LE POÈME AU GUÉ DE JABBOK

Mot à mot, silence à silence,
De la touffe opaline à la dure vertèbre,
Ma page tu la connais.

Poussière dispersée, famine en tourbillon,
La trompette sonnera une seule fois,
Ma page sera sous ton regard.

Tous les plaisirs du Môle,
Ta salive dans l'herbe,
Un radar dans les oxalis,
Le sillage d'un ongle dans le pelage d'un fennec,
Un clou de girofle, un peu d'écume à mon balcon,
D'une seule lecture dans la page.

Cette stèle de graffiti,
Cette nuit d'interrogations,
Cet œil de cyclope, ce gouffre de jade,
Tandis que sonnera une seule fois la trompette.

Lumière réfractée en son propre soupir,
Mésange sur la plaie diluvienne. Quel Ange
Frappe une fois de plus à la hanche celui
Qui osa arracher à ses ailes une plume
Pour achever la Création ?

p.506
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FATRASIES

Pas plus pesant qu'un seau d'ordures
Je t'invente
Pas plus pesant qu'un seau à vermouth
Je t'invente
Pas plus pesant qu'un saut de cabri
Je t'invente
Pas plus pesant qu'un seau d'eau de mer
Je t'invente
Pas plus pesant qu'un seau de citrons
Je t'invente
Pas plus pesant qu'un saut dans le vide
Je t'invente
Pas plus pesant qu'un seau de béton
Je t'invente
Pas plus pesant qu'un seau d'écrevisses
Je t'invente
Pas plus pesant qu'un sceau de Sion
Je t'invente
Pas plus pesant qu'un seau de poivre
Je t'invente
Pas plus pesant qu'un seau de fripes
Je t'invente
Pas plus pesant qu'un sot-l'y-laisse
Je t'invente
Pas plus pesant qu'un seau de lilas
Je t'invente
Pas plus pesant qu'un seau de guêpes
Je t'invente
Pas plus pesant qu'un saut de gouape
Je t'invente
Pas plus pesant qu'un seau de lune
Je t'invente
Pas plus pesant qu'un seau de hanches
Je t'invente
Pas plus pesant qu'un sottisier
Que le sceau d'un baiser sur ta gorge éblouie
Je t'invente et me noie dans le seau de ta vie.

9 novembre 1966
p.480-481
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