Jeanne Taboni Miserazzi

Il s’enferma dans les toilettes et se mit à pleurer. Il ne comprenait pas pourquoi Nico lui en voulait. Qu’est-ce que cela pouvait bien lui faire qu’il aime le rose ou pas ?

Maman s’approcha et trouva que le dessin de Luc était très joli :
« Tu vois la vie en rose ! » dit-elle en souriant.
Luc aima la phrase de sa maman et à partir de ce jour-là, il décida de mettre du rose dans sa vie.

Les regrets, il ne faut pas s'en affubler car ils peuvent nous entraver, nous empêcher de bouger et même de respirer.

[p68]

Le lendemain, j'attends Marie sur la grande place près du monument aux morts. Je lis les noms des soldats disparus. Une fois de plus, je suis frappée par leur jeune âge. Ils n'ont pas eu le temps d'exister. On leur a volé leur vie.

[p17]

— Elle a changé, tu sais... Tu risques d'être surprise...

Maman cherche ses mots comme si elle ne voulait pas tout me dire.

— Qu'est-ce qu'elle a ? [...] elle est malade ?
— Non, enfin... oui, me répond Maman. Depuis quelque temps, elle perd la mémoire et peut-être demain, elle ne nous reconnaîtra pas. [...]
— Moi, je suis sûre qu'elle me reconnaîtra !

[Jeanne TABONI MISERRAZZI & ISALY, "Le magasin de souvenirs", éditions 2 Vives Voix (Albussac), 2012 — page 15]

C'est la nuit. Pourtant il fait jour. Les rues sont vides. Une seule boutique est éclairée, le magasin de souvenirs de Madame Sognia.

[Jeanne TABONI MISERRAZZI & ISALY, "Le magasin de souvenirs", éditions 2 Vives Voix (Albussac), 2012 — page 24]

Demain, nous partirons ensemble. Quelques heures en voiture nous séparent du lieu-dit. Je crois comprendre aussi pourquoi je ne retiens pas le nom. Quand, adolescente, j'avais eu à un moment l'idée de rechercher ma mère biologique, je me répétais souvent que cela était sûrement impossible car elle était partie au milieu de nulle part. Pourtant, à ce moment-là, sans doute vivait-elle encore. A ma majorité, je n'ai plus voulu. Les regrets, il ne faut pas s'en affubler car ils peuvent nous entraver, nous empêcher de bouger et même de respirer.

Quand on débarrasse la maison de quelqu'un qui n'est plus, c'est un peu comme si la personne mourait une deuxième fois. Tous les objets qu'elle a aimés et touchés sont dispersés aux quatre vents. Tout ce qui a fait sa vie est anéanti. Pourtant je suis persuadée qu'ils emportent avec eux un peu de la vie de ceux qui les ont possédés pendant quelque temps.

Maman remarque que je suis plus gai.
Elle comprend que j'ai fait le ménage dans ma tête.
Elle me dit simplement : "C'est bien de prendre soin de toi".

Je veux prendre le temps de faire de bons choix. Je commence par une jolie poésie avec des mots fleuris. Je les apprends par coeur et je me les répète à l'infini. Ils me font un bien inouï !

Dans la salle d'opération, je n'ai pas du tout peur.

A la fin de la journée, il partait à la rencontre des habitants du village. Il les accostait. Sans arrêt, il leur parlait de ses salades qui étaient si belles et tout à fait exceptionnelles. Au début, on l'écoutait puis, petit à petit, on le fuyait caar le discours d'Edouard ne finissait jamais. Au bout d'un certain temps, le vide se fit autour de lui il ne rencontra plus personne sur son passage.

Comme il adorait les salades, il en avait planté de toutes sortes et de toutes tailles. Il ne se contentait pas de les cultiver. Il leur parlait sans arrêt et bien sûr, jamais les salades ne l'interrompaient.

Finalement, dans le bazar il y a du bon !

Quand on débarrasse la maison de quelqu'un qui n'est plus, c'est un peu comme si la personne mourait une deuxième fois. Tous les objets qu'elle a aimés et touchés sont dispersés aux quatre vents. Tout ce qui a fait sa vie est anéanti. Dommage qu'ils ne peuvent pas s'exprimer ! Ils nous murmureraient d'étranges secrets !

Je remonte le temps et j'évoque mon repas à la brasserie avec Marie. Un instant, je me dis que si ce jour-là, on avait déjeuné ailleurs, je n'aurai rien découvert. La vie est ainsi faite de choses fortuites qui nous échappent.

Les mots quand on arrive à les rendre le plus juste possible ont un éclat particulier.

Les enfants racontaient à leurs parents que la nuit ils rêvaient beaucoup, et que leurs rêves étaient colorés. Les parents les regardaient d'un air étonné, mais ils étaient plutôt contents de savoir que maintenant, leur enfant dormait et rêvait.

Quand à Mélusine, souvent la nuit, Nuitien venait la chercher juste pour avoir le plaisir de voler avec elle dans le calme de la nuit.

Mélusine était si frêle et si fragile qu'on avait l'impression que le moindre souffle de vent pouvait l'emporter.
Les mots qu'elle prononçait semblaient avoir la même fragilité et bien souvent, on ne la comprenait qu'à moitié. C'était un peu comme si elle parlait en pointillés.

Petit Louis se pencha vers la veilleuse et murmura : "Il est joli le bébé-lune ! Il va rester avec moi, toute la nuit !"