Je vous regarde mon amie. De mes deux mains ouvertes, j'entoure votre visage et le contemple longuement. Vos pensées m'échappent, sous vos paupières closes, mais non point cette larme en suspens qui vient de se former entre vos cils. Je voudrais que vous n'ayez plus mal. Je voudrais que vous soyez heureuse. Je voudrais qu'à travers toutes mes maladresses et tant de mots que j'aligne, les uns insignifiants les autres superflus, quelque chose vous parvienne de cette vive tendresse avec laquelle je pense à vous et qu'aucun naufrage, en tout cas, ne saurait menacer.
Demain, je vous écrirai mieux. Ce soir, j'aimerais vous bercer.
pp. 32-33
Car de mesme qu'il me surpassoit d'une distance infinie en toute autre suffisance et vertu ,aussi faisoit-il au devoir de l'amitié.
Ce livre qu'on va peut-être lire est l'oeuvre de toutes les femmes ensemble que j'ai eu le bonheur de connaître,
et plus particulièrement
de Christiane
qui est aujourd'hui ma femme,
ainsi que de Colette
qui le fut avant elle
et ne saurait cesser de l'être.
Ne te prens point à moy, Lecteur, de celles qui se coulent icy, par la fantasie, ou inadvertance d'autruy : chasque main, chasque ouvrier, y apporte les siennes. Je ne me mesle, ny d'orthographe (et ordonne seulement qu'ils suivent l'ancienne) ny de la punctuation : je suis peu expert en l'un et en l'autre. Où ils rompent du tout le sens, je m'en donne peu de peine, car aumoins ils me deschargent : Mais où ils en substituent un faux, comme ils font si souvent, et me destournent à leur conception, ils me ruynent. Toutesfois quand la sentence n'est forte à ma mesure, un honneste homme la doit refuser pour mienne. Qui cognoistra combien je suis peu laborieux, combien je suis faict à ma mode, croira facilement, que je redicterois plus volontiers, encore autant d'Essais, que de m'assujettir à resvivre ceux-cy, pour cette puerile correction. (III, 9)
2032 - [Ecrivains de toujours, n° 3, p. 113]