Cycle François Tosquelles
Mardi 9 août 2022, dans le cadre du banquet du livre d'été « Demain la veille » qui s'est déroulé du 5 au 12 août 2022, Joana Masó tenait la conférence : François Tosquelles et la culture de la psychothérapie institutionnelle.
François Tosquelles a participé à des expériences collectives de transformation des institutions psychiatriques durant la seconde République et la guerre d'Espagne puis au cours de la Seconde Guerre mondiale dans la France occupée. le théâtre et le cinéma amateurs, la création de publications internes imprimées à l'hôpital ainsi que l'organisation coopérative du club des malades, ont été des pratiques à la fois culturelles et critiques d'une culture qui avait historiquement séparé la maladie, des pathologies de l'homme normal.Joana masó est co-commissaire de la grande exposition Tosquelles du Centre de culture contemporaine de barcelone, Comme une machine à coudre dans un champ de blé
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Sa formation avait conduit Tosquelles à concevoir son activité de médecin de la souffrance psychique comme indissociable du fonctionnement collectif de la normalité.
Ce qu'il faut d'abord c'est instaurer l'action : les activités qui viennent rompre la rigidité artificielle des établissements classiques. D'autant plus que nous savons que dans et par cette structure classique des établissements, ce qu'on instaure c'est le silence à tous les niveaux, notamment en créant et facilitant de fragiles refuges dans le silence, dans le symptôme ou plutôt dans le silence des symptômes où les malades s'abritent sinon avec complaisance, du moins avec une attitude de compromission, si ce n'est pas avec une attitude de démission.
Si l'homme n'est pas fou c'est qu'il n'est rien. Le problème c'est de savoir comment il soigne sa folie. Si vous n'êtes pas folle, comment voulez-vous que quelqu'un soit amoureux de vous ? Pas même vous, vous comprenez. Ce qui ne veut pas dire que si vous ne savez pas être folle alors on va vous foutre à l'hôpital psychiatrique, parce que les fous qu'on met dans les hôpitaux psychiatriques, c'est des types qui ratent leur folie. L'important de l'homme c'est de réussir sa folie. [...] C'est clair ça ? C'est le destin de la folie qui est l'essence de l'homme.
La thèse de Tosquelles, intitulée "Essai sur le sens du vécu en psychopathologie : le témoignage de Gérard de Nerval" et soutenue à Paris en 1948, porte sur son expérience de la guerre d'Espagne et de la seconde guerre mondiale. Il y cite les poètes qui écrivent au sujet des guerres, des bombardements, des tremblements de terre, des cataclysmes, des commotions et des suicides. Dans ces voix qui parlent de nuits sans fin il entend l'angoisse de l'absence d'avenir propre à la guerre, mais aussi le désir de refaire le monde, de mettre le monde au monde, de le faire renaître.
Témoigner du caractère radicalement humain des difficultés où les malades se trouvent pris, et surpris, et qui entraînent ainsi toute une succession d'exclusions des groupes sociaux auxquels ils appartiennent constitue peut-être une tâche "hygiénique" préalable, indispensable à tout traitement et à toute prévention de la folie.
Les hommes sains d'esprit, ou qui se croient tels, ne sont pas radicalement différents des malades. Ils utilisent aussi leurs mécanismes psychiques et les situations sociales pour essayer de s'en sortir le mieux possible. Ce qui se passe c'est que le plus souvent ces "sains d'esprit" ont encore plus peur que les autres de ces problématiques et qu'ils refusent d'en savoir quoi que ce soit. (François Tosquelles)