Il arriva d'Espagne, fagoté comme un colis de poste, dans un costume de laine épaisse, probablement confectionné la veille dans l'une des mille usines catalanes. Le brave homme, saucissonné comme un chorizo d'Estrémadure, croyait que les alizés apportaient un climat automnal à ces terres tant chéries par la Mère Patrie. il déchanta lorsque son chef de cabinet, déjà sur la tribune présidentielle, lui affirma qu'ils se trouvaient au cœur de l'anticyclone Santa Elena. A ses mots, le vent se mit à souffler en rafales et les cheveux du représentant de la Mère Patrie, peignés à la méditerranéenne, se décoiffèrent aux quatre vents de l'Atlantique tandis que la tête à moitié rasée de Macias restait en ordre. Après le vent qui précédait la mousson, ce fut le tour de la pluie : une averse brève mais intense qui s'éloigna en haute mer, dégageant le ciel insulaire. Puis suivit la chaleur tropicale, typiquement guinéenne, délicieuse pour les autochtones mais étouffante pour ceux qui venaient d'au-delà des mers.
La peau, sous ces latitudes, supportait très mal le parfum. Étonné, Fraga constatait effectivement que Macías - qui s'était parfumé à l'huile de palmiste - restait frais comme une rose, et avec un petit sourire aux lèvres durant toute la cérémonie. C'était le 12 octobre 1968. L'homme à la peau d'ébène commençait à surprendre l'homme à la peau de marbre.
C'est même pire : en quelques années d'indépendance seulement, les nouveaux Africains au pouvoir en Guinée ont atteint un niveau de sadisme et de cruauté qu'aucun Blanc espagnol n'aurait pu imaginer en deux cents ans de colonisation.