Johann Caspar Lavater

La physionomie humaine est pour moi, dans l’acception la plus large du mot, l’extérieur, la surface de l’homme en repos ou en mouvement, soit qu’on l’observe lui-même, soit qu’on n’ait devant les yeux que son image. La physiognomonie est la science, la connaissance du rapport qui lie l’extérieur à l’intérieur, la surface visible à ce qu’elle couvre d’invisible. Dans une acception étroite, on entend par physionomie l’air, les traits du visage, et par physiognomonie la connaissance des traits du visage et de leur signification.

Chaque grain de sable contient l'infini; chaque feuille est un monde, chaque insecte un abime de mystères. Et qui pourrait compter les degrés intermédiaires de l'insecte à l'homme? Dans l'homme se réunissent toutes les forces de la nature. Il est le résumé de la création, le fils et le maître de la terre à la fois, la somme et le centre de toutes les existences, de toutes les forces, de toutes les puissances vitales du globe qu'il habite.

Les vrais gourmands lisent en remuant les lèvres pour déguster les mots.

Il arrive souvent que les plus heureuses dispositions se cachent sous l'extérieur le plus rebutant. (Nous dirons dans la fuite pourquoi cela
devait être ainsi.) Un oeil vulgaire , inexpérimenté, n'apperçoit que ruine
& désolation; il ne voit pas que l'éducation & les circonstances ont mis
obstacle à chaque effort qui tendait à la perfection.

Les articles qui composent le texte de ce dernier volume sont classés dans l'ordre qui suit:
1° La préface de LAVATER fils, qu'on lit en tête du dernier volume de l'édition originale, publié après la mort de son père.
2° Le chapitre de LAVATER sur les physionomies des animaux comparées.
3° Sa dissertation sur la ressemblance entre l'homme et les animaux.
4° Un extrait de la vie de Charles Le Brun, avec son portrait.
5° Un abrégé de la conférence de Charles Le Brun à l'académie de peinture et de sculpture, sur la physionomie de l'homme comparée avec celles des animaux.
6° L'excellente dissertation sur la cause de la disparition de la dernière conférence de Charles Le Brun sur la physionomie, lue à l'Académie; et le système du même Charles Le Brun, sur le rapport de la figure humaine avec celles des animaux, d'après Nivelon, son élève.

De quelque côte qu'on envisage l'Homme, il est un sujet d'étude; on. peut considérer en lui chaque espèce de vie prise séparément, mais jamais on ne pourra le connaître que par des manifestations extérieures , par le corps, par fa surface. Quelque spirituel, quelque immatériel, que font foi de son principe intérieur, quelque élevé qu'il soit par sa Nature au dessus de la portée des sens, il devient néanmoins visible & perceptible par sa correspondance avec le corps où il réside, où il se meut comme dans son élément. Ce principe devient ainsi un sujet d'observation, & tout ce qui dans l'Homme est susceptible d'être connu ne peut l'être qu'au moyen des sens.

Pour être physionomiste, il faut faire une étude particulière des silhouettes; sans elles, plus de physiognomonie. C'est par les silhouettes que le physionomiste exercera et perfectionnera son tact. S'il entend ce langage, il aura l'intelligence de tout le visage de l'homme; il y lira comme dans un livre ouvert.

La beauté demande la proportion des traits plutôt que le brillant des couleurs, & les grâces avant la régularité; elle consiste dans ce charme sympathique qui plait à tout le monde , on ne fait pourquoi ; dans cette harmonie enchanteresse que tout l'art de la peinture ne saurait rendre efficacement". (L'Auteur confond ici les grâces avec la beauté. Il a voulu parler ou des grâces , qui proviennent du mouvement des traits accidentels, ou de la beauté, qui consiste dans le repos de ces traits accidentels).

L'œil, le regard, la bouche, les joues, la surface du front, considérés soit dans le point du repos absolu, soit dans les innombrables variations de leurs mouvements, en un mot tout ce qu'on appelle Physionomie, est l'expression la plus parlante & la plus vive, du sentiment intérieur, des désirs, des passions, de la volonté, enfin de tout ce qui constitue la vie moral si supérieure à la vie animale.

Dans tous les temps on à cherché à connaître le caractère des hommes par leur apparence extérieure. Quiconque se trouve pour la première fois avec un individu, examine attentivement sa figure, sa manière de parler, de répondre, de questionner...

Des sourcils placés fort haut dénotent presque toujours un esprit incapable de réflexion.
Une grande distance d'un sourcil à l'autre promet une conception aisée, un esprit calme et tranquille.

Faut-il encore des preuves ? Voyez, dans ce tribunal, ce juge éclairé: son œil scrutateur semble interroger les plus secrètes pensées de l’accusé; il a déjà pressenti le coupable avant de l’avoir questionné, ou bien il a déjà entendu le langage muet de l’innocence.

Parmi cent fronts qui paraissent arrondis dans le profil, je n'en ai pas encore trouvé un seul qui présentât un nez aquilin proprement dit. Sur le même nombre de fronts carrés, ou qui approchent de cette forme, je ne m'en rappelle pas un seul dont les progressions ne soient pas marquées par des cavités profondes. Quand le front est perpendiculaire, jamais le bas du visage n'offre des parties fortement courbées encercle, à moins que ce ne soit le dessous du menton.

Tout devient ovale si la tête est ovale; si elle est ronde, tout s'arrondit; tout est carré si elle est carrée: il n'y a qu'une forme commune, un esprit commun, une racine commune.

La connaissance de l'homogénéité de la nature en général, et de la forme humaine en particulier; le sentiment prompt qui nous fait juger aussitôt de l'une et de l'autre comme par instinct, nous donnent la clef de toutes les vérités. Au contraire, n'a-t-on pas cette connaissance, est-on privé de ce sentiment, on n'a que de fausses idées des choses. C'est à l'ignorance et au manque de tact qu'il faut attribuer tant de bizarreries et de travers que l'on remarque dans les ouvrages de l'art, dans les productions de l'esprit, dans nos actions et dans nos jugements. De là le scepticisme, l'incrédulité, l'irréligion de notre siècle.

La nature forma tout d'après une seule loi, dont l'harmonie constante et variée embrasse les rapports les plus divers, et les dirige tous avec sagesse vers le même but. Il n'est rien dans l'immense étendue de la création qui n'en porte la céleste empreinte. Tout, tout s'élève par degrés de l'existence simple à la vie, et de la vie à la puissance de. vouloir. Elle est facile à discerner la marque propre à chaque classe d'êtres!

Une actrice qui fut pendant plusieurs années l'ornement et la gloire de la scène française, ne voulut pas demeurer étrangère à la connaissance de ces rapports, et fit entrer l'anatomie dans ses études dramatiques. Elle pensa avec raison que l'observation de la nature vivante ne suffisait pas pour bien entendre et bien parler la langue des passions. Brillante de tout l'éclat, de toute la jeunesse de la vie, elle osa contempler la nature morte, et analyser, pour mieux reproduire les effets des passions sur la physionomie, le mécanisme qui rend le visage de l'homme capable d'exprimer, avec toutes leurs nuances et leurs combinaisons, une si grande variété d'émotions et de sentiments.

Quoique les Volumes précédents fournissent presqu'à chaque page quelques traits caractéristiques & quelques indices fur la diversité infinie des Facultés de l'Homme, il n'en fera pas moins utile de parcourir cette grande échelle, depuis les dernières Caricatures jusqu'aux Originaux les plus sublimes que nous présente l'Espèce Humaine.

La physiognomie ou l’art de connaître les hommes sur leurs caractères extérieurs, n’est point une science chimérique et illusoire ; elle n’est pas même si difficile à acquérir que l’assurent ceux qui, la connaissant à peine, veulent donner un air de merveilleux à la légère teinture qu’ils en possèdent.

Les chiches.
Ils ont les épaules encore plus resserrées que les autres, la démarche prompte ; s'ils rencontrent quelqu'un, ils sont saisis de crainte, comme s'ils voyaient des larrons dans tous ceux qu'ils aperçoivent. Leur figure s'allonge, leur corps semble diminuer de hauteur. Ils ont les doigts resserrés, les yeux fort petits, de même que les prunelles, et tirant sur la couleur grise ou verdâtre.