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Citations de Johannes Urzidil (6)


Prague avait toujours été la ville de mes rêves. "C'est à Prague qu'il te faut aller, me conseillait sans relâche Adamek, on peut faire son chemin là-bas. Les Tchèques et les Allemands, les chrétiens et les juifs ne cessent de se bouffer le nez. On y trouve des cafés où l'on peut lire les journaux du monde entier. Et à côté de chaque café, tu as une charcuterie. A Prague, il y a toujours une charcuterie "à côté". Tout le monde est sans cesse en train de s'empiffrer, comme si la trompette du Jugement dernier vous appelait. A Prague, tu peux voir tout ce que tu veux. Au théâtre Pischtek, tu peux voir la cour de Louis XIV dans tous ses détails et avec toutes ses putains. Et là-haut, au Hradschin, quand tu auras le cafard, tu pourras aller contempler le corps intact de sainte Elekta ou la barbe de sainte Liborata. Quand tu seras à la Kleinseite, va au café Radetzky. On s'y sent à l'aise. Oh, bien sûr, on y fait le café avec du loger, c'est le nom que les Tchèques donnent au marc de chicorée, mais on peut dire du café Radetzky la même chose que du feld-maréchal du même nom: "Dans ta chicorée, il y a toute l'Autriche!"
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Sur les hauteurs de Prague, dans la cathédrale gothique de Saint-Vit, on peut voir, suspendu entre les colonnes du chœur, un grand relief sculpté sur bois représentant la fuite du roi de l'Hiver. Accompagné de ses troupes, de ses chevaux, de ses voitures, il file sur le pont Charles, déjà d'une vieillesse immémoriale à l'époque, abandonnant sans gloire à son vainqueur son trône hivernal et sa couronne problématique. Enfant, je contemplais avec avidité cette sculpture, non point tant pour l'évènement historique qu'elle immortalisait sous un jour théâtral que pour le décor vivant formé par la colline surmontée du château, l'ensemble des maisons, la rivière et le pont, les toits, les pignons, les coupoles et les tours.
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A plus de quatre vingts ans, Kafka vivait encore, jardinier à Long Island. Il n'était pas mécontent d'avoir, quarante ans auparavant, été déclaré mort et d'avoir pu fuir à l'insu de tous. Non qu"il eût oublié ses débuts, loin de là, mais il n'en faisait point usage. Quand il lui arrivait de rencontrer son nom dans un journal, il souriait d'un air finaud, parce qu'il avait réussi à mener dans la discrétion la vie d'un homme simple aux habitudes réglées
« Il semble que quelques personnes aient fait une jolie carrière à se pencher sur mes contemplations. Il y a même des professeurs dans la quantité. »
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« Police des frontières ! Vos autorisations de sortie ! »
Je plongeai la main dans ma poche et en tirai mes papiers. Le policier était un homme assez âgé. Il regarda les papiers : « Quoi ? Vous appelez ça une autorisation de sortie ? »
Il l’avait donc remarqué. Cela devenait une question de vie ou de mort.
« Oui, dis-je sur un ton de fermeté forcée, c’est l’autorisation qui m’a été délivrée. »
Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond, me répondit-il : « Je ne dois pas souffler ni bavarder en classe » ? Qu’est-ce que ça veut dire ? »
Stupéfait, je regardai la feuille de papier : « Oh, excusez-moi, c’est une vieille feuille qui s’est glissée dans mes papiers. Un ancien souvenir d’école. (Je cherchai dans mes poches :) voilà, la voilà, l’autorisation de sortie. » Les yeux du policier se mirent à briller : « Bien sûr que la voilà, – et il se mit à rire : Je ne dois pas souffler ni bavarder en classe, moi aussi j’ai eu ça à recopier, cinquante fois même, ça n’a pas changé », et il se tordait de rire à tel point que les larmes lui sortaient des yeux tandis qu’il donnait un coup de tampon sur ma fausse autorisation de sortie.
« Je ne dois pas souffler ni bavarder en classe ! Voyez-moi ça ! Et en pleine nuit ! »
Il continuait à rire dans le couloir du wagon. Le train s’ébranla. La frontière s’éloigna.
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Nous échangeons des lettres, mon demi-frère et moi. Je lui décris son père, son apparence, sa manière de vivre, son destin, ses habitudes, l’amour qu’il portait aux paysages de sa jeunesse. Je lui parle de moi, de la mort précoce de ma mère, je lui dis que, de même que lui n’eut pas de père, moi je n’eus pas de mère. Il a perdu ses forêts natales et vit loin de chez lui. Ma patrie, à moi, est ce que j’écris. Il est vieux. Il pourrait presque, par son âge, être mon père. Mais je ne suis plus de la première jeunesse, moi non plus. (…)
Mon père, tu m’as vu d’un mauvais œil devenir écrivain. Mais peut-être devais-je le devenir pour que ton fils, au-delà des âges et des océans, me trouve et que je puisse lui parler de toi.
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Tous ces être enfermés dans les milliers de véhicules sans cesse en mouvement de l'existence n'ont qu'une chose à léguer : le fait d'avoir été, pendant un bref moment flamboyant, persuadés de vivre. Pas besoin de testament pour cela. Être digne de ce instant est tout. Certains chassent, d'autres sont chassés, mais les élus, eux, sont simplement là, sans le savoir.
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