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Jacques Legrand (Traducteur)
EAN : 9782904227424
256 pages
Les Editions Desjonquères (13/11/1992)
4.25/5   2 notes
Résumé :
Dans ce roman, en grande partie autobiographique, Urzidil revient sur les lieux de son enfance : Prague et la Bohême dans les premières décennies du XXe siècle. Il évoque avec un charme prenant les rues, les quartiers, les cafés, les habitants hauts en couleur de cette ville baroque qui abrita ses premières émotions enfantines, sa découverte de l'amitié, de l'amour, de sa vocation d'écrivain, conscient dans cette cité slave, germanique et juive de la grâce qu'il a d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Avec ce livre de nouvelles, on entre dans l'intimité d'un écrivain tchèque, Johannes Urzidil, né à Prague en 1896 et décédé en 1970 en Italie. En une succession de onze récits largement autobiographiques qui s'enchaînent chronologiquement, on suit facilement son parcours et les vicissitudes de sa vie depuis son enfance jusqu'à son exil forcé. Dans sa mémoire restera gravée l'image de Prague, sa capitale de coeur, sa « Bien-aimée perdue », si séduisante et mystérieuse. Trois cultures - slave, germanique et juive, donnaient à cette capitale son caractère inimitable et y créaient un vivier culturel unique.
Johannes Urzidil est le fils d'une mère tchèque juive et d'un père allemand. Il semble avoir été prédestiné à être un maillon, à concilier les antagonismes entre les Tchèques et la minorité allemande.
« A dix-sept ans, je me mis à écrire. (…) Être écrivain n'avait rien d'extraordinaire dans la Prague de l'époque. La ville fourmillait de gens qui écrivaient. Quelques-uns ont acquis une célébrité mondiale ».
Bien qu'il étudie dans des écoles allemandes, Johannes Urzidil parle alors bien le tchèque, ce qui est assez exceptionnel parmi les Allemands de Prague en 1913, quand il publie ses premiers poèmes, et devient membre du « Cercle de Prague », un cercle d'auteurs qui fréquentent le Café Arco – haut lieu de la littérature pragoise de langue allemande –, parmi lesquels des noms célèbres vont marquer la littérature du XXe siècle – Franz Kafka, Max Brod, Franz Werfel, Milena Jesenská, Egon Erwin Kisch, Ernst Weiss, …

Johannes Urzidil se marie à une juive, qui est en fait la fille du rabbin de Prague. Il va critiquer les dignitaires nazis et sera obligé de s'exiler au dernier moment en 1939 avec sa femme en Italie.
Puis il va travailler au service du gouvernement tchécoslovaque en exil à Londres, et ensuite s'établir à New York.
C'est après la Deuxième Guerre mondiale qu'il publie ce livre. Il continue à distance à suivre ce qui se passe en Tchécoslovaquie et fréquente les émigrés tchèques à NYC, notamment le journaliste et écrivain, Ferdinand Peroutka.
Johannes Urzidil ne reviendra jamais en Tchécoslovaquie, car le régime communiste lui répugne. Il le considère comme une barbarie.
Son déracinement de son pays est bien évoqué dans la dernière nouvelle du livre qui apparaît comme une méditation sur la destinée humaine. « La vie humaine », dit finalement le personnage principal, un exilé étranger en Angleterre, « est longue, mais elle est courte également. On peut la traverser dans la souffrance ou dans le rire, dans le faire ou le laisser-faire, on peut aussi la rater. Il ne faut pas en avoir peur. Ce n'est pas parce qu'on rate sa vie qu'on vit moins. »
Le style d'Urzidil n'est pas maniéré. Son écriture est classique. Il est clair et calme. Sa plume cherche la compréhension et chasse la haine. Ses intentions ressortent d'ailleurs de ce texte dans lequel il évoque avec un peu d'amertume la coexistence difficile de différentes cultures à Prague. « Je dirais même que nous, les poètes et écrivains allemands, nous étions les seuls à tâcher sincèrement de propager dans la vieille Prague l'idée de l'amour et la conciliation. C'est ce que faisaient Rilke, Werfel, c'est ce que faisaient Kafka et Brod – et nous autres aussi… »
Johannes Urzidil a toujours jeté des ponts entre la culture tchèque et allemande. Il était notamment lié d'amitié avec les frères Karel et Josef Čapek, et le peintre Jan Zrzavý. Il avait beaucoup de compréhension pour les traditions tchèques et même pour les traditions à caractère très national, ce qui n'était pas du tout courant chez les écrivains de langue allemande, à l'époque.
« La Bien-aimée perdue » évoque à la fois, de façon suggestive, la vie de Prague de la première décennie du XXe siècle, et les désarrois du garçon sensible qu'est Johannes Urzidil, qui cherche sa place dans la vie. Un enfant qui est attaché à l'honnêteté et au respect des lois. Un enfant qui est aussi souvent angoissé, qui a des remords et se fait des reproches.
Dès le début du livre, on partage les premières sensations de ce jeune pragois qui fait la connaissance du monde et qui apprend à vivre. Sa mère est morte alors qu'il est tout jeune, et il vit avec son père qui est assez sévère. Lorsque son père amène à la maison une nouvelle épouse, une certaine complicité s'installe avec lui. « Quand un enfant voit pleurer son père, il découvre soudain ce qu'il y a d'enfance dans ce père et se sent lié avec lui au plus profond de lui-même. »
L'enfant ne supporte pas cette nouvelle compagne de son père, cette « mégère », qui ne le bât pas, mais qui sait le blesser beaucoup plus par ce qu'elle dit et ce qu'elle fait, et qui a le regard mauvais !
Heureusement, il y a d'autres femmes et d'autres personnages qui interviennent dans sa vie et qui transforment son existence en une suite d'aventures qu'il nous raconte.
Il fait de belles descriptions et analyses des caractères de ses personnages, sans jamais tomber dans la caricature, je trouve. Il scrute les attitudes, les comportements, mais ne blâme pas. Il pardonne les fautes, les écarts humains. Il fait souvent le constat que l'homme peut avoir des aspects contradictoires, mais qu'il peut évoluer et surprendre en bien ceux qui l'entourent.
Il a aussi de profondes réflexions sur l'existence et l'âme humaines.
Une petite Adèle, fille des voisins, va lui faire entrevoir le dédale de la psychologie féminine, et il va connaître sa première grande tristesse enfantine…
Il devient aussi messager des amours d'une danseuse et cantatrice, et suivra de loin la fin tragique et romanesque de cette vedette de théâtre trop aimée par les hommes qui sera probablement tuée par un de ses amants.
Il parle également de ses années d'école et brosse plusieurs portraits savoureux de ses camarades, dont « Baümel, le redoublant » avec lequel il va fonder un « Club des misogynes » - une nouvelle pleine d'humour, que j'ai beaucoup appréciée !
Il évoque aussi ses séjours en vacances. Dans sa nouvelle « Vacances flamboyantes », il parle de son séjour dans un village situé aux confins de la Bohème et de la Bavière, où il fait la connaissance d'une châtelaine aussi excentrique que mystérieuse…
Un jour, il va découvrir dans les papiers de son père, un secret. Apparemment, son père aurait fait un enfant à une certaine Elisabeth, à laquelle il aurait versé une belle somme chaque mois pendant 20 ans…
« Pays frontalier » est une nouvelle qui m'a beaucoup ému, à propos d'une jeune fille née dans la forêt, qui n'arrivera pas à vivre parmi les hommes.
Et puis c'est la Grande Histoire, qui intervient dans ses récits. La Grande Guerre, le service militaire, l'occupation nazie, l'exil -autant de chapitres d'une existence d'un garçon devenu homme qui n'a pas échappé aux aléas de l'histoire centre-européenne parce qu'il a partagé jusqu'à un certain moment le sort de sa ville…

Dans les années 1960, les valeurs de l'oeuvre de Johannes Urzidil vont être reconnues, et ses livres seront traduits et publiés dans plusieurs langues dont le tchèque et le français.
Il meurt en 1970 lors d'une tournée de conférences en Italie et il est inhumé au Vatican.
Cet amoureux de Prague, chassé de son pays et déraciné, aura emporté sa patrie dans ses souvenirs et l'aura fait revivre dans ses livres. Cet amoureux de Prague sera donc devenu citoyen du monde.
« Mon foyer est là où j'écris ».
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
« Police des frontières ! Vos autorisations de sortie ! »
Je plongeai la main dans ma poche et en tirai mes papiers. Le policier était un homme assez âgé. Il regarda les papiers : « Quoi ? Vous appelez ça une autorisation de sortie ? »
Il l’avait donc remarqué. Cela devenait une question de vie ou de mort.
« Oui, dis-je sur un ton de fermeté forcée, c’est l’autorisation qui m’a été délivrée. »
Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond, me répondit-il : « Je ne dois pas souffler ni bavarder en classe » ? Qu’est-ce que ça veut dire ? »
Stupéfait, je regardai la feuille de papier : « Oh, excusez-moi, c’est une vieille feuille qui s’est glissée dans mes papiers. Un ancien souvenir d’école. (Je cherchai dans mes poches :) voilà, la voilà, l’autorisation de sortie. » Les yeux du policier se mirent à briller : « Bien sûr que la voilà, – et il se mit à rire : Je ne dois pas souffler ni bavarder en classe, moi aussi j’ai eu ça à recopier, cinquante fois même, ça n’a pas changé », et il se tordait de rire à tel point que les larmes lui sortaient des yeux tandis qu’il donnait un coup de tampon sur ma fausse autorisation de sortie.
« Je ne dois pas souffler ni bavarder en classe ! Voyez-moi ça ! Et en pleine nuit ! »
Il continuait à rire dans le couloir du wagon. Le train s’ébranla. La frontière s’éloigna.
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Nous échangeons des lettres, mon demi-frère et moi. Je lui décris son père, son apparence, sa manière de vivre, son destin, ses habitudes, l’amour qu’il portait aux paysages de sa jeunesse. Je lui parle de moi, de la mort précoce de ma mère, je lui dis que, de même que lui n’eut pas de père, moi je n’eus pas de mère. Il a perdu ses forêts natales et vit loin de chez lui. Ma patrie, à moi, est ce que j’écris. Il est vieux. Il pourrait presque, par son âge, être mon père. Mais je ne suis plus de la première jeunesse, moi non plus. (…)
Mon père, tu m’as vu d’un mauvais œil devenir écrivain. Mais peut-être devais-je le devenir pour que ton fils, au-delà des âges et des océans, me trouve et que je puisse lui parler de toi.
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