AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de YANCOU


"Le temps de Betlem fut le temps de la vérité. Le temps où il n'y avait pas de faux pas et où tout était vérité, où tout était essentiel. Je veux dire que l'envers de la vérité -s'il y en avait un - n'était pas le mensonge mais le silence. Le mensonge viendrait plus tard. Après le début de la jeunesse et de ses faux départs. Dans le temps dont je parle, avant l'entrée dans le royaume inconnu des faux-semblants, il n'y avait pas d'écriture. La lecture oui, il y a toujours eu de la lecture. Mais pas l'écriture. Si le paysage mégalithique des environs était un paysage d'avant la littérature, il se produisait quelque chose de semblable avec mon paysage intérieur. Je n'étais pas encore écriture - et je ne savais pas, je ne soupçonnais pas que je le serais un jour. Comme les hommes des talayots et des dolmens à moitié recouverts par la rude végétation, dont la vie était étrangère à l'écriture, la mienne aussi l'était ; mais, à cause de mon père elle n'était pas étrangère aux Écritures. De la protohistoire à la protolittérature. Mais il y a aussi le pressentiment que c'est là que toute a littérature a pris naissance. Dans toutes ces années et dans leur perte : la perte du lieu, plus que tu temps. Ensuite, je suppose que d'autres pertes ont suffi - et la vie était une succession de pertes - pour que s'articule à travers l'écriture une façon de comprendre la vie et, surtout, de la vivre. Parce que la vie de quelqu'un qui revient tout les étés à l'endroit des étés de son enfance n'est pas la même que celle de celui qui ne revient jamais, ce qui déclenche la perte définitive et spéculaire de deux paradis de la mémoire. Je veux parler de paradis préservés uniquement par la mémoire, comme nous conservons des livres qui nous ont rendus heureux mais que nous refusons de relire, pour en garder cela, justement : les dons qui ont rendu notre vie différente de ce qu'elle aurait pu être. Comme l'ont fait, dans la civilisation, les grand maîtres de la peinture, les maîtres primitifs ; mais la prose marque la distance. Il y a un parallèle entre la vie d'un homme et l'histoire de la civilisation à laquelle elle appartient. Un parallèle et une symbiose. C'est pourquoi ce livre naît aussi du désir de défendre un caractère indéchiffrable de la beauté. Son mystère. Un livre réactionnaire, dans la mesure où il s'inscrit en faux contre la liquidation de l'art promue par le XXe siècle. Le siècle de la mégamort, également insatiable dans son acharnement à détruire la beauté en désarticulant son mystère, en une constante leçon d'anatomie menée par des gens qui ne connaissent même pas l'anatomie. Oui, c'est pourquoi ce livre est un livre ancien qui revendique son besoin d'être ancien pour être. Il est né dans son paysage, un paysage propre, noble et ascétique, qui de tout temps a fini dans la mer."
Commenter  J’apprécie          50





Ont apprécié cette citation (3)voir plus




{* *}