M. Schneider était son professeur de maths, et de loin le moins aimé des professeurs du lycée de Carthage, en raison de la difficulté de la matière, des ses interrogations « éclairs », de ses notes sévères et du mépris à peine dissimulé qu'il semblait avoir pour ses élèves, ses collègues et la ville de Carthage en général. Sombre et maussade, d'un âge indéterminable − on lui donnait aussi bien trente-cinq ans que cinquante −, il avait le front barré de rides verticales, un nez crochu, une narine plus large que l'autre, béant comme une orbite vide. Hans Schneider était grand et maigre ; ses épaules tombaient comme des ailes brisées ; ses vêtements flottaient sur lui, toujours identiques − chemise de coton blanc à manches longues, cravate rayée, pantalon de gabardine lustré aux fesses. Il avait des lunettes à grosse monture de plastique noir, souvent de travers sur son nez. Il sentait la poussière de craie, le lait ou le beurre un peu rance − ou l'ail ; ses dents étaient irrégulières, grisâtres, et petites comme des dents d'enfant. Il avait souvent des rhumes, ou pire − se détournait en plein cours pour éternuer, tousser, renifler, se moucher dans une succession de mouchoirs répugnants qui s'accumulaient sur son bureau.