Citations de Joyce Carol Oates (3794)
Ris, et tout le monde rira avec toi. Pleure, et tu pleureras seule.
Je sais que si on ne s'occupe pas de son passé, un jour c'est lui qui s'occupe de vous.
(Extrait d'une interview publiée dans le Monde 2 du 18 octobre 2014)
[...] L’important, c’est de rendre le lecteur plus vivant. Le plaisir que l’écrivain a pris ne suffit pas. Prenez Mein Kampf. Son auteur a peut-être eu de plaisir à l’écrire, mais ce n’est pas un plaisir pour les autres. Ma propre expérience de l’écriture passe par la résolution de problèmes. Le cerveau humain est fait pour ça. Il jubile devant les puzzles, les énigmes. C’est un défi neurologique très excitant. Si vous êtes écrivain, vous résolvez des problèmes à chaque paragraphe, à chaque phrase, le livre est un jeu de construction que vous tentez d’organiser. Et le lecteur joue ensuite avec vous, en entrant dans votre mécanique.
Entretien dans le Télérama N° 3345 - février 2014
J'ai été très chanceuse dans la vie. Et maintenant que je suis veuve et que mon mari n'est plus là, je suis très triste évidemment, mais j'ai connu ce bonheur d'être mariée. [...]
Il y a une formule juive qui dit "les souvenirs sont une bénédiction" : autrement dit, quand vous perdez quelque chose de précieux, il faut le voir comme une bénédiction.
Être veuve est le prix à payer pour avoir été une épouse. Si vous n'aimez personne, personne ne vous manquera.
C'est le prix à payer pour vivre intensément.
[La grande librairie, 11 septembre 2019]
“J'aime les personnages qui ne s'effondrent jamais totalement”
N'ayez pas peur: fouillez au fond de vous-mêmes.
Qu'on s'adresse à un ami ou à étranger, les mots sont probablement inadéquats pour communiquer sur l'art. L'art est inexprimable.
Entretien dans le Télérama N° 3345 - février 2014
L’écrivain est invisible, ce qui lui confère un pouvoir.
Pourquoi faire souffrir quelqu'un d'autre ? Souffrir soi-même suffit.
Valentine avait soigneusement prévu ses effets : choisissant, pour ses débuts au tribunal, un costume relativement conventionnel (mais coûteux) ; passant des laines et des gabardines aux soies, aux satins, aux velours, aux brocarts et aux fourrures ; des hauts cols, des manchettes amidonnées et des plastrons aux chemises ouvertes de style indien ou marocain ; renonçant à la chaste dignité des rayures et de l’écossais pour des cachemires voluptueux, des tissus japonais peints à la main, des dentelles vénitiennes ajourées, du chintz fleuri... ! Oubliant les teintes sombres pour le pourpre, le vert tilleul, le cramoisi, le bleu lavande, l’argent. Il avait préparé une cape doublée de brocart doré, évoquant une toge romaine ; un manteau de loutre aubergine ; son pardessus de « deuil » de style cosaque, avec son splendide col de zibeline. Calculant ses effets avec une habileté diabolique...
Les dames se pressaient pour voir quelle fleur le jeune homme avait choisie pour sa boutonnière, ce jour-là... ! (p.278)
Il était une fois. Sur les bords sablonneux du grand océan Pacifique.
Un village, un endroit mystérieux. Où la lumière était dorée à la surface de l’eau. Où le ciel était d’un noir d’encre la nuit, tout clignotant d’étoiles. Où le vent était chaud et doux comme une caresse. Où une petite fille arriva devant un Jardin enclos !
Le mur était de pierre et haut de six mètres et couvert d’une belle bougainvillée d’un rouge flamboyant.
À l’intérieur du Jardin enclos on entendait des chants d’oiseaux, de la musique, une fontaine ! Et des voix inconnues, des rires.
Jamais tu ne pourras escalader ce mur, tu n’es pas assez forte ; les filles ne sont pas assez fortes ; les filles ne sont pas assez grandes ; tu as un corps délicat et fragile de poupée ; ton corps est une poupée ; fait pour être admiré et caressé par les autres ; fait pour être utilisé par les autres, pas par toi ; ton corps est un fruit appétissant fait pour que d’autres y mordent, et le savourent ; ton corps est pour les autres, pas pour toi.
Il fallut qu'elle fut retrouvée pour qu'on se rende compte qu'elle avait disparu.
Des dizaines d'années plus tard, elle soumettrait ce casse-tête à un colloque de philosophie. Si les mots cessent d'exister, leur sens cesse-t-il d'exister lui aussi ?
"L’écriture exige solitude, calme et méditation, je trouve qu’il est très difficile d’écrire quand il se passe trop de choses."
Je suis écrivain, j'écris. Je ne sais pas combien de livres j'ai écrits, je ne compte pas, cela ne m'intéresse pas. Les artistes font ce qu'ils ont à faire. Picasso ou Monet savaient-ils combien de toiles ils avaient peintes ? Les photographes savent-ils combien de photos ils ont prises ?
(Extrait d'une interview publiée dans le Monde 2 du18 octobre 2014)
Un mariage repose sur un équilibre soigneusement dosé de révélations et de secrets : pour chaque révélation, un secret.
C’est ainsi que l’on se rappelle, brusquement, avec acuité, en pleine journée, un fragment d’un rêve de la nuit… qui dans l’instant même où il vous revient commence à s’évanouir.
Au-delà de la Terre, il n'y a pas de jour, et il n'y a pas de nuit. Tout est éclairé par la "lumière stellaire " - la plus belle des lumières. Et tout est silence - la plus belle des musiques.
La vérité fondamentale de ma vie, que cela ait été la vérité ou une parodie de vérité : quand un homme vous désire, vous êtes en sécurité.
Une famille est un champ de bataille où alliés et ennemis changent sans cesse de camp.
Tout cet ail ! Leur nourriture en était saturée. L’haleine aillée de sa belle-famille. De sa belle-mère. Et les dents gâtées. Mama se penchant sur son épaule. Mama impossible à éviter. Une petite femme-saucisse sautillante. Nez de sorcière et menton pointu. Les seins sur le ventre. Et elle portait tout de même des robes noires à col. Ses oreilles étaient percées, elle portait toujours des boucles d’oreilles. Autour de son cou gras, une croix en or au bout d’une chaîne en or. Toujours des bas. Comme les bas en coton de grand-maman Della. L’Actrice blonde avait vu des photographies de sa belle-mère jeune, en Italie, pas belle mais du charme, sexy comme une gitane. Même dans sa jeunesse, elle était robuste. Combien de bébés ce petit corps caoutchouteux avait-il produits ? À présent, c’était de la nourriture. Tout était nourriture. Destinée à être dévorée par les hommes. Et pour dévorer, ils dévoraient ! La femme était devenue nourriture et aimait manger, elle aussi.