Joyce Rockwood

Écureuil crut voir tous ses projets ruinés.
–Ne compte pas là-dessus, dit-il d'un ton furieux.Moi,je suis venu reprendre mon cheval, et c'est tout. S'il faut que je traîne avec moi une espèce de petit môme, je me ferait prendre, c'est couu d'avance.
–Tu te feras prendre encore mieux si tu n'es pas avec moi,cria tous bas le garçon. Parce que moi, je sais où nous cacher.Il y a une éternité que je prépare cette fuite! Il venait l'enfourcher Minuit et tendait la main à Écureuil.
–C'est complètement fou ! protesta Écureuil, avec un geste de refus.
Mais il entendit,loin derrière, les crise furieux des guerriers. Alors,sans répondre,il prit son élan pour prendre place derrière le garçon, sur l'échine de Minuit. Il réussit d'abord à s'allonger à plat ventre sur la croupe de la jument, puis ajusta la position jusqu'à se retrouver assis. Pendant ce temps, sans paraître s'émouvoir , Minuit avançait bon train, à contre-courant, dans le ruisseau.L'avantage de ce chemin-là,c'est qu'on n'y laissait pas de traces.

Une harde de cerfs ou de biches entra dans la clairière. Alors, à la stupeur de Vison, les Immortels, s'approchant des bêtes, leur sautèrent sur le dos et les bêtes, qui semblaient se laisser faire, quittèrent la clairière en courant, emportant les Immortels qui jetèrent un coup d'œil à Vison et éclatèrent d'une sorte de rire. Pourtant, certains d'entre eux avaient l'air très triste et regardaient Vison comme s'ils étaient prêts à pleurer. Toute la harde disparut de la clairière, emportant les Immortels. Vison voulut d'abord les suivre à travers la forêt, mais ils n'avaient pas laissé de traces, pas d'empreintes visibles, et il abandonna bientôt pour rentrer au village.

Lorsque les Sept Clans furent informés de la nouvelle, ce fut la consternation et l'effroi. Ainsi donc le cycle était bouclé, les quatre présages étaient prononcés. Un autre petit groupe d'habitants, une vingtaine à peu près, empaqueta ses biens pour s'en retourner à la Vallée-Bleue. Ils ne pouvaient pas savoir, personne alors ne le savait, qu'il n'y aurait ni lieu ni cachette, dans les monts et les vallées du pays Cherokee, nulle parcelle de terre des Sept Clans qui resterait à l'abri du malheur.