Parfois, j'étais admis à aller voir un ou deux blessés en convalescence, mais je les quittais pénétré d'effroi. Ils étaient jeunes, ils me souriaient sans rien dire et, quand ils le pouvaient, me tendaient la main. J'essayais, sans y parvenir, d'imaginer que je pourrais me trouver un jour dans le même état. La guerre demeurait pour moi quelque chose d'incompréhensible, parce que j'avais gardé de mon enfance cette idée absurde que les aînés doivent nécessairement avoir raison ; or, la guerre était leur oeuvre, on peut même dire qu'elle était et qu'elle est encore le chef-d'oeuvre de la bêtise humaine.