Peu importe que tu sois ici ou là-bas, car je te vois devant moi à chaque instant. Je te vois dans la lumière qui se reflète sur l'eau, dans le balancement des jeunes arbres sous le vent du printemps.
Mon coeur cogna sous le choc. La jument trembla et s'arrêta. Mais devant nous, là où l'ombre était passée, le poney de Sibeal se cabra, levant haut ses antérieurs, et elle fut désarçonnée. Je n'eus pas le temps de réfléchir. Je vis sa petite silhouette dans sa grande cape fendre l'air vers la pente rocheuse à notre gauche. J'entendis Deirdre hurler derrière moi. L'art coula en moi alors que j'étais à peine consciente de l'avoir invoqué. Les longues années d'entraînement me servaient bien. "Arrête". L'enfant était soudain suspendu en l'air à peine à trois mains d'un rocher déchiqueté sur lequel sa petite tête se serait cognée violemment. "Maintenant descends doucement".
Tu cours pieds nus, tu sens la brise dans tes cheveux, les feuilles douces et sèches sous tes pieds, tu cours dans les rayons du soleil qui passent à travers les branches, où ils capturent le vert et or des dernières feuilles d'automne, les retenant précairement. Et soudain tu atteins les rives du lac.
Nous attendons que les cygnes descendent se poser sur l'eau, un en tête, les autres le suivant, glissant dans la lumière d'or de fin d'après-midi pour amerrir en un bruissement, repliant soigneusement leurs ailes blanches au moment où l'eau les reçoit. Ils flottent comme de grands fantômes sur les rides du lac tandis que le crépuscule envahit le ciel.
Ma mère connaissait tous les récits contés au coin du feu d'Erin. Assemblés autour de l'âtre, les villageois l'écoutaient en silence après une longue journée de travail et s'émerveillaient des tapisseries qu'elle tissait de ses mots.
"Concentre-toi, Fainne, dit mon père tandis que mes doigts gelés remuaient maladroitement. Sers-toi de ton esprit, pas de tes mains."
Je serrai les dents, plissai les yeux et recommençai. Ce n'était qu'un tour, rien de plus. Ce devrait être facile. Tends les bras, regarde la boule de verre brillante sur l'étagère du mur d'en face, la lueur des bougies qui se reflète sur sa surface trompeuse. Comble le fossé par l'esprit; pense à la distance, pense au bond. Ne te déplace pas. Laisse la boule faire tout le travail. Adjure-là intérieurement de venir dans tes mains. Fais-la venir à toi.
"Viens. Viens ici. Viens à moi, fragile et délicate, ronde et ravissante, viens dans mes mains."
Il faisait froid, j'avais mal aux doigts tant il faisait froid. J'entendais les vagues se briser dehors. J'entendis la boule de verre se briser sur le sol.
Mes bras tombèrent le long de mon corps.
Ciel rouge le soir laisse bon espoir, ciel rouge le matin pluie en chemin.