AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de Woland


[...] ... Quand la lune suspendue au-dessus de la résidence en Edo du clan de Tosa, sur la rive d'en face, déversa sa lumière irréelle dans les pièces des maisons en bordure du fleuve, Seikichi n'était pas encore à moitié de son ouvrage et ravivait avec acharnement la flamme des bougies.

Chaque instillation d'encre lui coûtait un effort infini ; chaque mouvement pour enfoncer et retirer l'aiguille lui arrachait un profond soupir, comme s'il perçait son propre cœur. Peu à peu, les marque laissées par l'aiguille ébauchèrent les formes d'une énorme tarentule ; et quand le ciel nocturne recommença à blanchir, la bête étrange, démoniaque, comme à l'affût, déployait ses huit pattes sur toute la surface du dos.

La nuit printanière fit place au point du jour dans les bruits d'avirons des barges montant et descendant la rivière. A l'heure où, parmi la brume en train de s'effilocher au-dessus des voiles blanches gonflées par la brise matinale et glissant vers l'aval, étincelèrent les toits de tuiles de Nakasu et de Akosaki, de Reiganjima, Seikichi laissa retomber son pinceau et resta en contemplation devant l'araignée incrustée dans le dos de la jeune fille. Oui, toute sa vie avait passé dans ce tatouage, et maintenant qu'il avait achevé son travail, il se sentait dans l'âme un vide immense.

Un moment encore, les deux silhouettes demeurèrent ainsi complètement immobiles et puis très faible, un peu rauque, une voix vibra, incertaine, entre les quatre murs de la chambre :

- "Pour faire de toi une femme vraiment belle, c'est toute mon âme que je t'ai instillée avec mes encres. Désormais, dans tout le Japons, aucune femme ne te surpassera. Te voilà délivrée de ce qu'il y avait de pusillanime en toi. Tous les hommes, oui, tous, seront ta riche pâture."

Perçut-elle ces paroles ? Une faible plainte, aussi ténue qu'un fil, monta jusqu'à ses lèvres. Peu à peu, elle reprit ses sens. Au rythme de sa respiration qui, lourdement, soulevait et laissait retomber ses épaules, les pattes de l'araignée s'étiraient et se contractaient comme celles d'une bête vivante.

- "Ca doit te faire mal, cette araignée qui enserre ton corps entre ses pattes ?"

A ces mots, la fille entrouvrit des yeux un peu perdus dans le vague. Petit à petit, comme croît la clarté de la lune montante, ses prunelles s'illuminèrent, éclairant le visage de l'homme.

- "Maître, faites-moi vite voir mon tatouage ! Si c'est votre vie que j'ai reçue en moi, alors comme je dois être devenue belle !" ... [...]
Commenter  J’apprécie          40





Ont apprécié cette citation (4)voir plus




{* *}