Katy-Lynn Cénac

Aujourd'hui, Prudence Poivert tuera sa neurasthénie soudaine devant un ouvrage fluvial. Bottes en plastique vert ‒ qu'elle s'était achetées lors de la grande crue au Venezuela. Jean brut de marque. Pull effet fourrure bleu nuit. Doudoune noire sans manches. Paire de gants gris. Sac kaki à bandoulière. Et l'excitante sensation de partir à l'aventure. Enfin ! [...]
Tous les sentiers menaient à l'écluse, elle devait faire demi-tour. Elle rebroussa chemin pour rejoindre le bois. Son pied dérapa sur les amas de boue d'une pente. Par réflexe, elle agrippa un pauvre frêne des deux bras pour éviter la chute. Son autre pied, en raison de ce foutu phénomène de gravité, se déroba à son tour. La joue plaquée contre l'écorce, la presque quasi-quinqua ne parvenait pas à se redresser. Maudites bottes en plastique !
Elle plia les genoux. Geste malheureux ! Elle se mit à piétiner, comme une dératée, sans savoir comment s'arrêter. Elle trouva un équilibre en remontant les fesses à l'horizontale, mais resta coincée. Position affligeante.
Pourtant, il lui fallait bouger. Elle remua une jambe. Les lois de la physique poursuivirent leurs œuvres. Ses bras glissèrent inexorablement le long du tronc. Elle accéléra le mouvement des pieds. Un monceau d'argile se détacha, entrainant dans sa chute une Prudence essoufflée. Elle atterrit, le fessier le premier, dans une flaque boueuse et vaseuse.

"Cette journée de mi-septembre promettait d'être caniculaire. Dès dix heures du matin, on frôlait les 25°C. Dans les sous-sols de la salle des fêtes du charmant village de Supplicy-sur-Isle, une dispute éclata. Des hurlements résonnèrent jusque dans le parking où était stationnée une authentique 2 CV jaune mimosa de 1979.
Une dernière insulte et l'on entendit une porte s'ouvrir. Prudence Poivert quitta l'antre du club de théâtre local en trombe. Virée ! Léon von Kalf venait de la virer !
À quarante neuf ans, la jeune divorcée possédait un tempérament entier. Du haut de son mètre soixante-cinq, Prudence Poivert ne se laissait pas intimider. [...]
Elle ressentait le besoin urgent d'aller baguenauder dans les bois, seul remède efficace pour lui calmer les nerfs."

C'est Poivert, nom de nom ! Combien de fois vais-je devoir vous le rabâcher, triple buse ! Poivert : un petit pois qui est vert. Pas Pivert, comme l'oiseau. Ni Beauvert. Mais Poivert !

Qu'avait-elle pu percuter ? Certes, elle venait de cogner sa voiture, mais rien de bien méchant, en comparaison des incidents passés ! Une fois, elle avait noyé le moteur de la Jeep de son mari dans un fleuve en Afrique. Elle voulait juste prendre un raccourci.

La vie du gamin paraissait aussi mouvementée que celle d'un nénuphar par une journée sans vent.

Dans cette ambiance de fiesta, rythmée par les chansons, la chaleur est à son comble. La fumée des cigarettes flotte au-dessus de nos têtes et les vapeurs d’alcool envahissent chaque recoin sombre du bar. Les gens rient, chantent et hurlent pour se faire entendre. Certains improvisent des danses timorées. D’autres accumulent les pichets vides sur des tables devenues trop petites. Un tour de garde s’organise devant l’unique toilette du bar. Les serveurs valsent au milieu du désordre. Les barmans épongent le comptoir inondé par les verres renversés.