Il n’y a pas plus emmerdant qu’un mois de novembre à Londres. Oui, je sais, une lady n’est pas censée employer pareil langage, mais je ne vois pas comment qualifier autrement le brouillard humide, glacial et à couper au couteau qui s’était abattu sur Belgrave Square voici une semaine.
- Si vous ne l'avez pas vu, monsieur, comment savez-vous que c'était un sale type ?
- Quiconque a le culot de mourir dans ma baignoire sans ma permission est forcément un sale type, inspecteur.
Par chance, la météo était de notre côté, pour une fois. La brève période ensoleillée avait cédé la place à un temps estival typiquement anglais, c’est-à-dire qu’il faisait frisquet et qu’il pleuvait des cordes.
[ Les policiers ] ont envahi la maison et dérangent mes domestiques, voilà ce qu'ils font. Quelle impertinence, franchement. Tout cela parce que notre imbécile de voisin a eu la mauvaise idée de se tuer dans notre verger. Quel manque d'égards de sa part, alors qu'il savait parfaitement que nous attendions des invités.
Quand il pénétra dans Londres, les récents dégâts provoqués par les bombes devinrent évidents. Des bâtiments réduits à une coquille noircie, une maison amputée d'un mur révélant une chambre encore intacte avec un lit en cuivre, un édredon aux fleurs roses et un lavabo dans un coin. Dans la rue suivante, une rangée toute entière d'habitations avait été réduite en miettes, mais une échoppe de "fish and chips" se dressait encore au beau milieu du carnage, intouchée, l'affichette placardée sur la porte proclamant : " Nous sommes toujours ouverts."
Il y a deux inconvénients à être un membre mineur de la famille royale d’Angleterre.
Pour commencer, on est censé se comporter comme il sied à quelqu’un appartenant à la royauté, sans que vous soient donnés les moyens de le faire. (…) Les moyens de subsistance ordinaires ne sont pas vus d’un bon œil. (…) Lorsque je me hasarde à faire observer l’injustice de cette situation, on me rappelle le second point de ma liste. Apparemment, le seul destin acceptable d’une jeune femme de la Maison Windsor consiste à épouser un membre d’une des autres Maisons royales qui, semble-t-ils, parsèment encore l’Europe – bien qu’ils ne reste de nos jours que très peu de monarques régnants. Même une Windsor aussi insignifiante que moi est une prise séduisante pour ceux qui souhaitent forger une alliance précaire avec la Grande Bretagne en ces temps instables.
A mon avis, il n’y a pas d’endroit sur terre plus inconfortable que Londres pendant une canicule. Je devrais probablement nuancer cette opinion en confessant que je n’ai jamais remonté le cours du fleuve Congo au cœur des ténèbres avec Conrad, ni traversé le Sahara à dos de chameau.
- Vous a-t-on monté votre thé ? m'enquis-je.
- Non, j'ai dit à la bonne de pas s'embêter et j'suis descendue le prendre à la cuisine. Quand on vous l'apporte sur un plateau, on a jamais plus d'une part de gâteau.
C'est pour cette raison que vous êtes venus, n'est-ce pas ? Pour passer un Noël anglais traditionnel. A quoi bon voyager jusqu'ici si c'est pour que tout soit comme chez vous ?
A mon avis, la reine a tort de s'imaginer que vous devez payer tout ça de votre poche.
- Elle ne pense pas à ce genre de détails, voilà tout, expliquai- je . La famille royale n'a jamais à prendre cela en considération. Ses membres n'ont même jamais d'argent sur eux.