(pp. 83-84)
Oum Malek pose une question:
« Si t’es en danger de mort et que tu peux sauver une seule personne, tu choisis qui ? Ton mari ou ton fils ?
- Mon fils ! »
Les filles me regardent de travers. Elles ont toutes deux choisi leur mari !
« Mais pourquoi vous choisissez votre mari ? Vos enfants, c’est la chair de votre chair ! Et votre mère, c’est celle qui vous a donné la vie !
- Un enfant, tu peux en refaire un autre, et ta mère, elle a déjà fait sa vie. Toi, tu es trop attachée à ton fils. Tu l’aime beaucoup trop ! Tu le laisses trop faire.
- Bien sûr que je l’aime ! J’ai peur de le voir mourir ici avec ces bombardements.
- Peur ? Toi, t’es vraiment pas normale ! Nous, on veut mourir, inch’Allah. Mourir dans un bombardement, aller au paradis, c’est ce qui peut nous arriver de mieux. Moi, je suis même prête à aller au front ».
Quand je suis partie, j'ai rejeté cette société où je ne me trouvais pas à ma place. Aujourd'hui, je me rends compte de la chance que j'avais. On n'était pas si mal que ça ! Disposer de l'électricité à toute heure du jour et de la nuit, se promener librement sans devoir rendre de comptes, se chauffer, manger à sa faim, dormir dans un bon lit, vivre dans la sécurité : des richesses dont je n'avais aucune conscience. En Belgique, je n'étais jamais satisfaite. Toujours frustrée par ce que je ne possédais pas. Si je rentre au pays vivante avec mon fils, je me promets de profiter de chaque minute qu'Allah me donnera. Je n'oublierai plus la chance que j'ai d'habiter un pays en paix, dans une société sans doute imparfaite, mais où la liberté et le bien-être sont des priorités.
Les djihadistes de l'"Etat islamique" se prennent pour Dieu. Ce qui les intéresse, ce n'est pas la religion, mais le pouvoir, rien que le pouvoir. Je croyais qu'ils luttaient juste contre le régime de Bachar el-Hassad. C'était un leurre.