Citations de Laure Leter (12)
Contrairement au dogme actuel : "devenir soi", une psychanalyse nous expose au risque de ne pas se reconnaître, de perdre ses propres repères, d'entrer en non-conformité avec soi car ce processus fait partie du : "se trouver" vers lequel la psychanalyse fait signe. Descente vertigineuse vers ce lieu où je suis confondu avec la perception même.
La psychanalyse est-elle un processus secret, dont on ne parle à personne ?
Une analyse est un trésor que l'on garde pour soi. Et pourtant, en retour, elle va vous ouvrir aux autres, à d'autres liens, à une autre temporalité, à d'autres rêves. Elle vous donne la capacité d'être seul en possession de quelque chose dont l'immense valeur n'est connue que de vous.
Je dis « donne la mesure » car ce qui a été « le plus fort ou émouvant » dans l'enfance est un diapason, une sorte d'échelle de Richter secrète à l'aune de laquelle les événements ultérieurs de la vie seront comparés. Si l'intensité (en bien ou en mal, la psyché n'est pas morale) est très forte, la vie paraîtra fade ou indigne d'être vécue par la suite quand elle n'atteindra pas les seuils d'intensité vécus dans l'enfance.
L'angoisse tout à la fois escamote le conflit en se présentant, non comme une pensée ou un «problème », mais d'abord comme une sensation: étouffement, oppression, tétanie... Elle met en défaite le sujet qui tente de regagner constamment le contrôle de la situation. Les angoisses matinales sont vraiment liées à l'idée d'affronter la joumée. Au fur et à mesure que le jour s'écoule, on reprend des forces et de la confiance. Puis, ça remonte avec la nuit. Dans notre exemple, Barthélémy se voit comme un serviteur et en même temps, il est de fait un « maitre » de l'hôtel. Il est donc dans une position de contrôle et de pouvoir. Par ailleurs, sa suractivité est très valorisée socialement. Dans l'analyse, les patients obsessionnels essaient de garder le contrôle, voire de le prendre. Ils ont une prédilection pour les bilans et refoulent soigneusement sous des rituels précis le chaos intérieur qui risque de les déborder. A l'analyste de leur faire comprendre que la cure, dont la seule règle telle que l'a énoncée Freud est: dites tout ce qui vous vient en tête sans censure, invite le sujet à se defaire peu à peu de l'emprise raisonnée pour aller à la rencontre de sa folie.
Pourquoi cette activité psychique permanente se répercuterait-elle dans le corps ?
Le corps en mouvement est l'une des façons d'échapper à la persécution des idées qui assaillent l'enfant impuissant à changer la situation (par exemple la séparation de ses parents) et angoissé par ce qu'elle génère. Par ailleurs, quand on demande à un enfant d'être assis pendant huit heures et que « ça » continue à penser en lui, dès qu'il aura la liberté de bouger, il tentera d'essayer d'échapper à cette persécution, à ses pensées qui lui disent au moins quatre choses contradictoires : sois bon en classe, console ta maman, ne dis rien, exprime ce qu'elle ne peut pas exprimer... et il risque de le faire en s'agitant, voire en se blessant.
Pourquoi s'accrocher à un mode de vie dont on dit ne plus vouloir ?
Dans cette vie dont on ne veut pas, il existe quelque chose à quoi on tient absolument ou sans laquelle on croit qu'on ne peut pas survivre, et donc qu'on n'est pas prêt à perdre. Sauter dans I'inconnu, ça voudrait dire lâcher cette chose qu'on croit détester, et qu'on garde en réalité précieusement. On croit que notre mode de vie constitue notre identité. Allez dire à quelqu'un qui est malheureux dans son travail, par exemple, qu'il ya dans cette situation quelque chose qu'il chérit. Quand je dis qu'il cherit c'est de la provocation. Disons qu'il protège. Qu'il ne veut lacher à aucun prix. Et qui l'empêche notamment d'aborder sa vie comme absolument nouvelle à l'instant où il le décide.
Quand tout va mal, on peut imaginer qu'on n'a rier perdre ?
On le croit mais, souvent, ce n'est pas le cas. Plus on se trouve mal dans sa vie, moins on est lucide sur ce qu'on a peur de perdre. On croit vouloir tout a quitter de sa vie actuelle pour aller vers une vie nouvelle, mais on est incapable de se représenter le moindre désir positif, tant le terrain du désir a été lui-même miné.
Une des signatures premières de la névrose, c'est l'inhibition. Le désir est entravé, et on pense que c'est la réalité qui nous paralyse.
Personne n'était jamais invité, parce qu'il y aurait eu des témoins extérieurs à la psychose de la mère. Un des effets de la folie, c'est l'isolement. Ce jeune homme a « décompensé »quand il est parti en foyer dans la capitale pour poursuivre ses études. Etre confronté à des rapports « normaux »- tous les guillemets ici sont nécessaires - avec d'autres étudiants a été une violence de trop. Il ne pouvait plus faire comme si son enfance était partageable, voire même racontable. L'enfant essaie toujours de tenir. Il a une capacité incroyable à faire avec I'invraisemblable pour supporter des situations qui pourraient être ingérables et le mettre en danger sur le moment, s'il les dénonçait.
Au fond ce que fait de pire le pervers, c'est de fausser le rapport de l'autre à soi-même, à sa boussole interne, à son intuition juste. Ce qui est bon ou mauvais pour elles, ces femmes ne le savent plus.
Cet homme, qui semble n'avoir de temps pour rien, trouve le temps de voir ces films. Est-ce à dire qu'il y a des domaines dans lesquels la fatigue s'efface ?
Oui et c'est important d'en prendre conscience. Toute la question est de ramener ce courant d'énergie clandestin vers le reste de la vie. Dans l'espace- temps d'une séance, on essaye d'inclure les parties de soi qui ont été clivées, et de ce fait, retranchées. Il y a une remise en question qui induit une nouvelle dynamique. Parfois le simple fait de mettre des mots sur un affect, une honte, une angoisse, suffit à alléger, voire à faire disparaître, le sentiment récurrent de « fatigue». Cela fait advenir à la parole ce qui était dans I'innommable, dans I'imeprésentable et qui travaillait en secret. On libère une force qui se trouvait refoulée, effondrée sur elle-même, absorbant l'énergie comme un trou noir.
« Pourquoi a-t-on tant de mal à parler à ses parents ? » [... ] « Pourquoi c'est si difficile ? Parce qu'on a toujours sept ans quand on parle à ses parents, m'a-t-elle répondu. Parce que les relations parents-enfants sont souvent comme un disque rayé. Parce que nos parents sont des censeurs imaginaires qui nous servent d'excuse pour ne pas assumer nos désirs »...